Pratique
01/09/2020
Environnement Transports, mobilité, voirie

Flotte automobile : gérer la transition vers l'électrique

À partir du 1er juillet 2021, les collectivités devront posséder au moins 30 % de véhicules à faible émission au sein de leur flotte.

La commune du Petit-Quevilly (76) possède un parc automobile dont 19% de la flotte est électrique. Vingt voitures, 25 vélos et un triporteur électriques sont à la disposition des agents municipaux pour leurs déplacements dans toute la ville.
Le 26 mai dernier, le chef de l’État a présenté le plan de soutien à l’automobile (assorti de 8 milliards d’euros) pour sauvegarder l’emploi et faire de la France le premier pays de production de véhicules à faible émission. Pour cela, plusieurs mesures visent à accélérer le verdissement des flottes, notamment publiques. 

Les aides financières

Le bonus pour acheter un véhicule électrique (d’une valeur inférieure à 45 000 €) passe de 3 000 à 5 000 €. Le gouvernement en a créé un autre de 2 000 € pour acquérir des véhicules hybrides rechargeables dont le coût est inférieur à 50 000 €. Enfin, le nombre de primes à la conversion (plafonnées à 200 000 €) a été doublé pour les véhicules utilitaires. « Ces aides gomment les différences de prix avec des véhicules thermiques », rappelle Mathieu Chiara, chargé de la communication au sein de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE). « Les collectivités ont un devoir d’exemplarité. De plus, elles ont des obligations légales en matière de transition énergétique. Elles sont tenues de convertir 30 % de leur parc aux énergies propres à partir du 1er juillet 2021 et doivent pour cela saisir l’opportunité des aides de l’État. » 

Subventions complémentaires

Dès 2013, la commune du Petit-Quevilly (76) a mobilisé des subventions complémentaires à travers deux programmes : Cit’Ergie de l’Ademe et Territoires à énergie positive pour la croissance verte. À cela s’est ajoutée une subvention de la région Normandie. « Nous avons pu obtenir jusqu’à 80 % de subventions », explique Charlotte Goujon, maire du Petit-Quevilly. Cette commune possède aujourd’hui 20 véhicules électriques. Soit 19 % du parc communal. En 2020, elle prévoit d’en acheter 6 autres, afin d’atteindre un taux de conversion de 23,5 %. « Nous allons utiliser les nouvelles aides de l’État pour accroître cette part. » Elle a aussi acheté 25 vélos et 1 triporteur électriques pour les déplacements professionnels de ses agents. 

Verdissement en cours

Pour l’instant, le verdissement du parc automobile français est un peu à la traîne. En janvier 2020, 320 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables étaient en circulation, soit 3 % du parc automobile. Néanmoins, « entre janvier et avril 2020, il y a eu une progression des immatriculations de 97 %. C’est autant qu’en six mois en 2019 », précise Mathieu Chiara. Les ventes de véhicules à faibles émissions représentent 12 % des ventes de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP). En 2019, 2 000 collectivités ont acheté 10 000 véhicules électriques. « Aujourd’hui, les collectivités ont converti en moyenne 10 % de leur parc », précise Olivier Rougetet, chef du département mobilité à la direction marketing de l’UGAP. À Istres (13), la commune a entamé la conversion de son parc en 2013. Aujourd’hui, 193 véhicules communaux sur 400 sont électriques. Il s’agit de petites citadines et d’utilitaires destinés aux services espaces verts et propreté. « Les grands utilitaires (camions-plateau, balayeuses de voirie) sont encore trop chers pour une collectivité comme la nôtre, regrette Nicolas Davini, DGS. Si ce n’était pas le cas, 100 % de notre parc serait électrifié. »

Achat ou location

Pour se doter de ces véhicules, la collectivité d’Istres a tout d’abord opté pour la location en signant des contrats d’un an, renouvelables deux fois. « Nous n’étions pas certains de la fiabilité des batteries », indique le DGS. Entre-temps, les aides gouvernementales et celles du conseil départemental des Bouches-du-Rhône l’ont incitée à acheter d’autres véhicules de ce type. 
Aujourd’hui, la commune d’Istres mixe les deux modes d’acquisition pour des «questions de souplesse » dans la gestion du parc. Selon Olivier Rougetet, «les collectivités optent pour l’acquisition quand elles veulent amortir le véhicule sur une longue durée. Seul inconvénient : au bout de dix ans, le véhicule n’est plus à la pointe technologique. » La location longue durée est plus adaptée lorsque la stratégie repose sur un renouvellement fréquent des flottes. 
C’est aussi un moyen pour tester la technologie et avoir la garantie de remplacer le véhicule en cas de réduction de l’autonomie. En sachant que désormais, les batteries ont en moyenne une durée de vie de huit ans. « Il faut savoir que l’acquisition, via la location longue durée, ne permet pas de bénéficier du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) », souligne Mathieu Chiara, à l’AVERE.

Système de rechargement

Pour mener à bien ces conversions, la question du rechargement des véhicules est déterminante. Car l’une des craintes des employés municipaux est le manque d’autonomie. « Les distances parcourues par nos agents des services espaces verts et techniques sont relativement faibles », note cependant Charlotte Goujon. L’AVERE les a estimées à 30 km en moyenne par jour, là où les autonomies affichées par les constructeurs varient désormais de 300 à 350 km. Néanmoins, l’implantation des bornes de rechargement est stratégique. À Istres, la commune a créé un service interne pour gérer tout ce qui est en lien avec l’énergie et les flux. C’est celui-ci qui a réalisé le diagnostic pour déployer un réseau de bornes d’alimentation électrique public et privé. « Nous en avons implanté 30 dans nos différents sites et 56 dans la ville à destination de la population », explique Nicolas Davini. La ville a aussi opté pour des systèmes de rechargement rapide (pour le public), semi-rapide et lent (véhicules de service). 

 

320 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables étaient en circulation en janvier 2020, soit 3 % du parc automobile.
 

Implantation des bornes

Depuis trois ans, l’UGAP a sélectionné un système de recharge « intelligent » développé par la société Evtronic. « Cette borne module le rechargement en fonction des tarifs d’électricité. Ce qui permet aux collectivités de lisser la charge dans des créneaux horaires où le prix de l’énergie est le moins cher », précise Olivier Rougetet. Le plan de relance prévoit d’accroître de 30 000 à 100 000 le nombre de bornes de rechargement d’ici 2021. Un objectif qui n’affole pas Enedis. Pour le fournisseur d’électricité, ce sera un léger surcroît d’activité. « Actuellement, nous effectuons 350 000 raccordements par an. Nous devrons en réaliser entre 5 000 et 7 000 de plus pour atteindre l’objectif du gouvernement. Nous avons la logistique pour cela », affirme Dominique Lagarde, directeur du programme mobilité électrique chez Enedis (lire ci-contre et ci-dessous). L’implantation de ces bornes dans les territoires nécessite au préalable une analyse fine des déplacements et des lieux de stationnement. Pour faciliter leur déploiement, le programme Advenir (100 M€) court jusqu’au 31 décembre 2023.  

Avis d’expert
Dominique Lagarde,  directeur du programme mobilité électrique chez Enedis
« Depuis dix ans, Enedis a converti plus de 2 150 de ses véhicules à l’électrique, soit plus de 12 % de son parc. Nous partageons cette expertise avec les collectivités. Pour réussir cette transition, il faut obtenir l’adhésion du personnel en tenant compte de l’expérience de la conduite et de l’adaptation des véhicules électriques aux différentes fonctions. Les salariés auront des besoins particuliers (espaces verts, bennes à ordures...). Sur les parkings, il faut penser aux visiteurs de la collectivité et aux salariés qui possèdent un véhicule électrique. Ce qui peut conduire à ajouter une borne ou deux de rechargement supplémentaires par rapport au besoin identifié initialement. Le nombre de bornes de recharge est fonction des besoins de la collectivité, des conditions techniques et de sa capacité d’investissement. Nous pouvons les aider à établir des diagnostics en matière de besoins de recharge et s’assurer que la puissance est suffisante pour recharger une flotte électrique. Le prix du raccordement au réseau électrique est fonction des lieux et des travaux à réaliser. Selon la Loi LOM et le plan de soutien à la filière automobile, une partie de ces coûts seront pris en charge jusqu’à 75 % par Enedis (bornes ouvertes au public), jusqu’à fin 2021 par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité. »

 

En savoir +     

• Site «je roule en électrique »
https://www.je-roule-en-electrique.fr/les-collectivites-et-la-mobilite-electrique-22
• AvereFrance : www.avere-france.org/
• Programme Advenir : https:// advenir.mobi/
• Plan de soutien à la filière automobile
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/20200526_DP_Automobile.pdf
• Programme Cit’Ergie de l’Ademe.
https://citergie.ademe.fr/presentation-de-citergie/
• La loi du 24/12/2019 d’orientation des mobilités.

 

Un schéma directeur pour les bornes de recharge
Dans l’attente du décret d’application de l’article 68 de la loi LOM créant un «schéma directeur de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables » pour le trafic local et le trafic de transit, l’AMF et Enedis souhaitent accompagner les collectivités pour élaborer ce schéma, dans le cadre d’une convention signée en 2019. Ce schéma comprend un diagnostic, une stratégie avec des objectifs chiffrés, un calendrier de mise en œuvre incluant les ressources à mobiliser et un dispositif de suivi et d’évaluation. Élaborer un schéma permet à la collectivité de bénéficier d’une aide financière jusqu’en 2025. Un arrêté du 12 mai porte de 40 à 75 % la prise en charge du coût de raccordement par le Turpe (tarif d’utilisation du réseau public d’électricité), c’est-à-dire les consommateurs. Cette aide expire fin 2021, sauf pour les collectivités engagées dans un schéma directeur (2025).
Christine CABIRON
n°382 - Septembre 2020