La première table-ronde a mis en lumière un contexte où les terrains sont rares et chers. L’exiguïté de la superficie globale disponible caractérise la quasi-totalité des territoires ultramarins, y compris en Guyane où, en dépit d’une immense superficie, les activités se concentrent sur des espaces réduits, la bande littorale et le long des fleuves.
De plus, les élus ultramarins sont confrontés à de nombreux verrous : le poids de l’Etat (en Guyane, il est propriétaire de 93 % du foncier) et de ses établissements publics (Agence des 50 pas géométriques, Office national des forêts, Conservatoire du littoral…) dans la gestion du foncier ; les injonctions contradictoires : protection de l’espace et lutte contre l’artificialisation et, «en même temps », nécessité de construire des logement, notamment ; les problématiques inextricables liées à la gestion du cadastre, à l’indivision, au développement de l’habitat indigne, aux occupations sans droit ni titre, aux constructions sauvages, au coût exorbitant des matériaux.
Résultat : alors qu’à La Réunion, il faudrait construire 10 000 logements par an, il ne s’en construit que 1 000. Les élus, à la tribune et dans la salle, ont donc appelé le gouvernement à faire preuve de pragmatisme et à les écouter pour mettre en place des politiques adaptées et qui fonctionnent. Interco’ Outre-Mer s’est emparé de ces sujets fonciers et a publié, il y a peu, un recueil de 44 observations, alertes et propositions.
« Il faut poursuivre en se mobilisant pour obtenir une traduction [de ces propositions] en actes concrets », a plaidé Lyliane Piquion, présidente d’Interco’ Outre-Mer et conseillère communautaire de la communauté d’agglomération Cap Excellence (Guadeloupe). Pour rappel, la Délégation sénatoriale aux Outre-mer avait produit, en 2017, un rapport d’information remarqué sur les conflits d’usage et la planification foncière.
« Il est possible de sortir de ces blocages en s’inspirant de règles exceptionnelles en vigueur dans certains territoires, qui peuvent être prises comme modèles. Par exemple, la Commission d’urgence foncière à Mayotte, dont le long travail commence à produire des résultats », a observé Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte et auteur dudit rapport.
« Ce que vous demandez, et que l’AMF réclame à vos côtés, c’est de la simplification, et que l’Etat joue son rôle. Le Plan logement Outre-mer, par exemple, n’est pas suffisamment pertinent. Il y a des solutions, mais les choses n’avancent pas assez vite : il faut libérer la capacité d’agir des élus locaux », a résumé la secrétaire générale de l’AMF, Murielle Fabre, maire de Lampertheim (Bas-Rhin).
Mais le chemin est encore long, comme en témoigne l’indécision du gouvernement sur une autre attente forte des élus ultramarins : l’assouplissement de la procédure liée à l’avis des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF, lire ci-dessous), qui doit être conforme en Outre-mer alors qu’en métropole, ces instances délivrent un avis «simple » sur l'opportunité de certaines procédures d'urbanisme au regard de l’objectif de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles.
La deuxième table ronde était consacrée à la vie chère et aux finances locales. «En Nouvelle-Calédonie, les produits alimentaires sont 78 % plus cher et le logement 30 % plus onéreux qu’en métropole », a témoigné Sonia Lagarde, maire de Nouméa et présidente de l’Association française des maires de Nouvelle-Calédonie.
Depuis longtemps, les élus d’Outre-mer alertent sur la dégradation du contexte social lié à la cherté de la vie et sur leur rôle «d’amortisseur social » : des maires lourdement sollicités mais fortement contingentés, compte tenu des difficultés financières de leurs communes. C’est un cercle vicieux : malgré leurs efforts, les collectivités ultramarines ne peuvent pas dégager des capacités budgétaires à la hauteur des besoins nécessaires au développement de leur territoire.
Une situation dramatique qui a amené l’Union nationale des centre communaux d’action sociale (UNCCAS) à adresser au gouvernement un « Manifeste » pour les Outre-mer appelant à un vaste plan d’investissement et de développement social, dont le contenu a été présenté lors de la Rencontre du 20 novembre.
Les élus ont déploré l’arrêt du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions d’outre-mer (DACOM). Les débats ont aussi porté sur l’octroi de mer. La réforme, annoncée par le gouvernement, de cette ressource indispensable pour les collectivités ultramarines (elle représente 20 à 40 % de leur budget de fonctionnement) suscite de fortes craintes.
Serge Hoareau, président de l’Association des maires de La Réunion et maire de Petite-Île, a dénoncé «le faux procès » fait à l’octroi de mer, accusé d’être responsable de la vie chère. Il a pointé, par contre, l’opacité de la constitution des prix dans la grande distribution. Les ultramarins ont fermement exprimé leur message : toiletter l’octroi de mer oui, mais l’Etat ne peut envisager ni de le capter à son profit, ni de le supprimer.
Un message que le ministre délégué chargé des Outre-Mer, Philippe Vigier, a dit avoir entendu. En conclusion de cette rencontre, il a certifié que l’octroi de mer «ne sera pas supprimé » et que «les collectivités ne seront pas la variable d’ajustement de cette réforme». «Le système est à bout de souffle, il faut le revoir. Mais nous allons faire ce travail ensemble, en protégeant les communes et en faisant la réforme la plus juste possible », a t-il promis, ajoutant que «le schéma ne sera pas écrit par Bercy ».