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30/11/2023
105e Congrès de l'AMF 2023 Logement Santé Social

Congrès des maires 2023. Les communes, garantes du bien vieillir chez soi

« Bien vieillir chez soi : une prise en charge qui reposera chaque jour davantage sur les communes ». Le titre du forum du 105e Congrès des Maires de France consacré aux personnes âgées mercredi 22 novembre ne pose pas la question. C'est une évidence pour les maires. Reste à savoir dans quelles conditions. Les maires en ont débattu avec la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé.

Le maire de Plourin-lès-Morlaix (29), Guy Pennec, à l'origine d'un Collectif des maires en résistance, remet à la ministre des délibérations de conseils municipaux et de présidents d'Ehpad bretons. « Nous ne voulons plus faire de la gestion mais de l'humain et le vrai accompagnement que nos ainés méritent ! » assène l'élu, fatigué de constater que des Ehpad ne tiennent que sous « perfusion à partir des budgets municipaux, en baissant les loyers, en cachant donc... » la misère.
Lorsqu'un ministre assiste à un forum, il doit affronter les doléances des élus qui se pressent généralement en plus grand nombre pour participer à ces échanges. La règle a été respectée pour ce forum centré sur la prise en charge des personnes âgées. D'autant que l'actualité – avec la reprise de l'examen de la proposition de loi sur le bien vieillir (votée le 23 novembre par l’Assemblée nationale)  et la présentation quelques jours plus tôt par la ministre de sa «feuille de route » – nourrit les impatiences.

Or les attentes des maires sont grandes sur ce sujet. Soit parce qu'ils gèrent des services à domicile, les soutiennent, ou des résidences autonomie (les anciens foyers logement), voire des établissements pour les plus dépendants (Ehpad ). Les communes gèrent exactement «60% des résidences autonomie et 10% des Ehpad publics », a rappelé Luc Carvounas, co-président de la commission Affaires sociales de l’AMF et président de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas). Or ces deux secteurs, celui du maintien à domicile comme celui de l'hébergement, sont en souffrance. Les maires appellent à un «débat franc pour pouvoir avancer ». La ministre a répondu à l'invitation, usant d'une franchise qui a parfois provoqué de vifs échanges.

Ehpad, un modèle à bout de souffle

Globalement, «l'offre de lits en Ehpad baisse » (comme l'illustre le baromètre santé-social AMF-Mutualité française dévoilé pendant le 105e Congrès) et «les disparités restent fortes ». Les communes gardent le cap, malgré les difficultés témoigne Marylène Millet, maire de Saint-Genis-Laval (69) qui tient à défendre le travail mené dans les Ehpad publics, malgré le «discrédit jeté sur tous les Ehpad » à la suite à des révélations sur la gestion de certains groupes privés. François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne allant jusqu’à évoquer «un défi moral des Ehpad à restaurer l’image de ces établissements indispensables ».

Mais le modèle économique des Ehpad ne tient plus. «On constate partout des soucis pour recruter, ce qui oblige à recourir à l’intérim, ce qui augmente encore les coûts. 85% des Ehpad aujourd'hui sont en déficit ». Le maire de Plourin-lès-Morlaix (29), Guy Pennec, à l'origine d'un Collectif des maires en résistance, remet à la ministre des délibérations de conseils municipaux et de présidents d’Ehpad bretons. «Nous ne voulons plus faire de la gestion mais de l’humain et le vrai accompagnement que nos ainés méritent ! » assène l'élu, fatigué de constater que des Ehpad ne tiennent que sous «perfusion à partir des budgets municipaux, en baissant les loyers, en cachant donc… » la misère.

Si chacun approuve les «mesures d’urgence » prises par le gouvernement pour aider les établissements les plus en difficultés, cela ne concerne qu'une «trop petite part des établissements et pour une durée trop courte ! » dénonce le président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA), Jean-Pierre Riso, reprenant le slogan fédérateur «les vieux méritent mieux ».

Repenser le modèle économique 

« On doit repenser le modèle économique » concède la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, avant d'expliquer aux maires sa méthode : «poser des fondations et des briques ». C'est l'enjeu de la «loi de programmation du grand âge » annoncée pour l'été prochain, «pour donner enfin une vrai trajectoire », notamment «financière ». Sans en dévoiler le contenu, la ministre esquisse ce qui va sans doute faire débat (repenser le modèle économique, pas de modèle unique, revoir la gouvernance, les leviers de financements, etc.), s'attendant à de probables «désaccords », voire à des «engueulades ». «Toutes les questions sont ouvertes pour aller au fond des choses », assure-t-elle. S'engageant également à ce que cette loi ne soit «pas écrite comme d’habitude », mais dans la «co-construction ». Dans l'assistance, les maires doutent. La ministre appelle à «un minimum d'enthousiasme ». 

Le soutien à domicile, l'autre chantier à long terme

« L’Ehpad n’est pas le seul moyen pour permettre à nos populations de bien vieillir » précise Serge HOAREAU, maire de Petite-Ile, président de l’association des maires du département de la réunion, mettant en avant le rôle joué par les CCAS pour accompagner les personnes âgées à leur domicile.

La suite du débat se poursuit sans la ministre, sur le maintien à domicile. «Je préfère parler de soutien car le terme de maintien renvoie à l'idée de ne pas bouger », relance Marylène Millet. Or ce dont les personnes âgées ont envie et besoin, comme l'explique Yann Lasnier, le délégué général des Petits frères des pauvres, c'est bien de bouger, pour ne pas «mourir socialement ». Le secteur de l'aide à domicile a un besoin urgent de devenir attractif.

Car les prévisions de besoins de recrutements sont fortes - «800 000 d'ici à 2030 » selon la Fédération des particuliers employeurs qui travaille à améliorer les conditions de travail (formation, sécurité au travail) et de rémunération. Dans les communes, des maires continuent eux aussi à bâtir des cités résilientes, bâtir de l'habitat inclusif, comme à Combrand (79). «Ce sont des projets sur des temps longs ! Il faut rêver ! C'est possible » glisse sa maire, Anne-Marie Reveau. 

Revoir le forum "Bien vieillir chez soi" du 105e Congrès des maires de France
 

Emmanuelle Stroesser
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