Europe
10/11/2023
Environnement Europe

Protection du loup : faut-il l'alléger ?

Longtemps réticente, la Commission européenne ne ferme plus la porte à la révision du statut de protection du prédateur. Le sujet divise.

Le statut juridique du loup pourrait passer d'espèce « strictement protégée » à « protégée » au niveau européen.
Faut-il modifier ou pas le statut de protection dont le loup jouit aujourd’hui en Europe depuis la convention de Berne ? La question est entre les mains de la Commission européenne (CE), qui a promis une réponse d’ici à la fin 2023. «La concentration de meutes de loups dans certaines régions d’Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme », déclarait, début septembre, la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen.

Elle a invité les «communautés locales » à soumettre à la CE des données actualisées sur les populations de loups et leurs impacts – la consultation s’est clôturée le 22 septembre.

« Sur la base des données collectées, la CE décidera d’une proposition visant à modifier, le cas échéant, le statut de protection du loup au sein de l’Union européenne (UE) et à mettre à jour le cadre juridique afin d’introduire, lorsque c’est nécessaire, davantage de flexibilité », a-t-elle fait savoir. Avant la pause de l’été, plusieurs États membres ont explicitement réclamé une telle modification législative.
 

Directive habitat, faune, flore

Dans ce contexte, après avoir longtemps opposé un non catégorique à une révision des annexes de la directive «habitats-faune-flore » pour modifier le statut juridique du loup en tant qu’espèce protégée, la CE ouvre désormais la porte à cette possibilité, même si l’UE finance plusieurs projets visant à réduire les conflits de coexistence entre l’homme et le loup (www.lifewolfalps.eu/fr/).

Le débat s’est invité en plénière du Parlement européen, le 13 septembre. Jérémy Decerle, eurodéputé et éleveur de charolaises, a enfoncé le clou. «Pour les victimes, le problème de la prédation n’a rien d’anecdotique. 11 000 animaux tués en France, 4 000 en Allemagne, 700 en République tchèque. (…) Harmonisons le comptage, facilitons l’abattage et ayons le courage politique de réviser le statu quo du loup et des autres [prédateurs] si nécessaire », a-t-il souhaité.
 

Des points de vue opposés

Des revendications sans surprise de la part de l’élu de Saône-et-Loire qui a porté la réflexion sur la prédation au sein de l’intergroupe du Parlement européen «Zones rurales, montagneuses et isolées » (Rumra). Un travail qui s’est concrétisé par l’adoption d’une résolution au Parlement en novembre 2022. «Nous ne pouvons pas continuer à ignorer la colère et le désarroi des éleveurs », a abondé l’eurodéputée Anne Sander (Parti populaire européen). Pour l’élue, le statu quo serait «une punition qui s’étend bien au-delà de l’aspect financier pour les éleveurs. Comment donner aux jeunes agriculteurs l’envie de s’installer (…) ? »

À l’opposé, Caroline Roose, élue des Verts, a fustigé une consultation «opaque et précipitée ». Ursula von der Leyen «a ravivé la peur culturelle du grand méchant loup », ce qui «fait partie d’une stratégie politique bien ficelée qui vise à sacrifier le loup sur l’autel des élections [européennes qui se tiennent au printemps prochain, ndlr]. (…) ». Et l’élue d’appeler la présidente de la CE et la droite parlementaire à s’intéresser davantage aux alternatives «comme une meilleure surveillance des troupeaux par des patous, le renforcement des clôtures, des compensations financières, etc. ».

La CE a indiqué qu’elle n’avait pas encore «une vue d’ensemble suffisante pour concevoir de nouvelles actions », d’où l’appel aux autorités locales. Mais elle promet de travailler vite.
 

La France présente son plan loup 2024-2029
Début septembre, l’Office français de la biodiversité recensait plus de 1 104 loups en France, soit quatre fois plus qu’il y a dix ans tandis que les attaques de troupeaux se multiplient. Dans ce contexte, le gouvernement a présenté, le 18 septembre, au Groupe national loup (regroupant représentants du monde agricole, des élus, des chasseurs, des associations de protection de la nature), un plan pour mieux réguler la présence lupine d’ici à six ans. L’État veut modifier le statut de l’espèce (de «strictement protégée » à «protégée » au niveau européen), augmenter les possibilités de prélèvement, modifier les protocoles de tirs. La protection des troupeaux et l’indemnisation des éleveurs seront renforcées (Lire Maire info du 19/09).

 

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Par Isabelle Smets
n°416 - OCTOBRE 2023