L'actu
03/10/2023
Décentralisation Fonction publique

Emploi public local : les collectivités en difficulté

La 8e édition du Baromètre HoRHizons confirme que les collectivités, confrontées à des contraintes financières, peinent à recruter malgré des besoins qui s'accroissent en raison des transitions numérique, énergétique et environnementale et des départs d'agents, notamment en retraite.

Le 1er vice-président de la FNCDG, Vincent Le Meaux (à gauche), la secrétaire générale de l'AMF, Murielle Fabre (au centre), et Yohann Nédélec (à droite), administrateur du CNFPT, lors de la présentation de la 8e édition du Baromètre HoRHizons sur les tendances de l'emploi public local, le 2 octobre 2023.
Les tensions sur le marché du travail français percutent de plein fouet les collectivités territoriales. La 8e édition du Baromètre HoRHizons (1) sur l’emploi public local (2) présenté à la presse le 3 octobre, révèle que les contraintes financières (56,9%), les difficultés de recrutement (48,9%), et le volet réglementaire (43%) sont les trois gros points noirs qui impactent le plus la gestion des ressources humaines locales en 2023. Pourtant, les besoins s‘accroissent en raison notamment des différentes transitions en cours (numérique, énergétique, environnementale…). Ce facteur, évoqué par 35,6% des répondants à l’enquête, a bondi de plus de 9,6 points par rapport à la précédente édition.

Pour Murielle Fabre, secrétaire générale de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, ces réponses signifient que les élus «ont bien pris conscience de leur rôle d’employeurs publics car cela démontre leur volonté d’autonomie et de responsabilisation. Une fois encore les contraintes budgétaires empêchent l’employeur public de gérer sa politique RH comme il l’entend. L’attractivité de la fonction publique territoriale passe par la rémunération. Or le régime indemnitaire est le seul levier dont dispose aujourd'hui les employeurs territoriaux. Les collectivités locales ont besoin d’une autonomie financière et fiscale pour pouvoir mettre en œuvre les politiques publiques et leur politique RH ! »

Nécessité de revaloriser les rémunérations

Les collectivités sont prises en étau et dans des paradoxes. D’un côté, 66% des répondants soulignent que leur masse salariale a augmenté en vertu de décisions qui ne sont pas les leurs (revalorisations du point d’indice, augmentation du Smic, revalorisation du début de carrière des catégories B, augmentation des taux de cotisation…).

De l’autre, 92,9% des sondés considèrent nécessaire de revaloriser les rémunérations des agents territoriaux ! Mais estiment que l’augmentation de la valeur du point d’indice (73,4%) et l’adaptation des grilles indiciaires aux métiers et aux fonctions (73,1%) restent les outils les mieux adaptés pour augmenter les revenus des agents. Le recours aux primes ne convainc qu’un tiers des répondants, même si 84% d’entre eux ont déjà mis en place le Rifseep.

Dans un contexte de maîtrise des dépenses, comment rendre la fonction publique territoriale plus attractive et pour fidéliser les agents ? 51,7% des sondés (+ 6,5% par rapport à 2022) ont misé sur le régime indemnitaire. Notamment les communes car «elles disposent de moins de moyens pour mettre en œuvre d’autres leviers d’attractivité », peut-on lire dans le Baromètre.

Qualité de vie au travail et protection sociale complémentaire

Les actions de qualité de vie au travail (38,2%) et la protection sociale complémentaire (31,2%) constituent deux autres atouts pour attirer et fidéliser les agents. «La rémunération n’est plus le seul élément de négociation pour recruter, confirme Vincent Le Meaux, premier vice-président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). On voit que la qualité de vie au travail et avoir des garanties sociales et sanitaires sont des sujets qui montent en puissance. De nouveaux modes d’organisation du travail sont apparus. On parle aujourd’hui de semaine de quatre jours, de collectif de travail à maintenir entre télétravail et bureau, etc ».

A noter que le télétravail constitue un argument essentiellement dans les grandes collectivités et dans les EPCI. Seules 13,3% des communes de moins de 3500 communes répondantes l’évoquent «car peu d’agents exercent des fonctions télétravaillables » dans ces collectivités, est-il précisé dans le Baromètre.

En matière de protection sociale complémentaire, la grande majorité des répondants (60,6%) ont d’ores et déjà mis en place un tel dispositif, mais seuls 29,2% ont des dispositifs à la fois en santé et en prévoyance. 22,6% ont institué un dispositif de prévoyance. Ceux qui n’ont rien mis en place attendent maintenant les échéances obligatoires de 2025 (prévoyance, volet pour lequel les employeurs territoriaux ont signé un accord national avec les organisations syndicales en juillet dernier) et 2026 (santé).

Inquiétudes sur l’assurance statutaire

Un nouveau sujet d’inquiétude pointe cependant pour les élus locaux. 71,6% des collectivités et EPCI interrogés ont contracté une assurance statutaire pour couvrir les risques liés à la santé et au décès de leurs agents. L’absentéisme continue d’augmenter dans les collectivités territoriales et est important : selon le dernier baromètre de l’assureur Relyens (ex-Sofaxis), paru le 2 octobre, l’équivalent d’un agent sur dix serait absent tout au long de l’année.

« S’il y a des difficultés au travail, cela impacte les finances et les assurances statutaires », s’inquiète Vincent Le Meaux. Or 62% des répondants du Baromètre HoRHizons passent par le contrat de groupe de leur centre de gestion. 7,8% évoquent une augmentation des taux d’assurance et 1,2% une résiliation anticipée du contrat. Le premier vice-président de la FNCDG confirme la multiplication des «remises en cause insidieuses » des contrats d’assurance (taux de couverture réduits, hausse des cotisations…). «Nous devons regarder cela de plus près », prévient-il.

Toujours la volonté de former

Pour faire face aux nouveaux enjeux de la société, les collectivités placent toujours le développement de la formation et des compétences de agents (85,7%), l’amélioration de la prévention, de la santé et de la sécurité au travail (75,5%) et la maîtrise de la masse salariale et des coûts en ressources humaines (75,4%) au cœur de leur stratégie RH.

Sur le terrain, Yohann Nédélec, administrateur du CNFPT et délégué territorial de l’établissement de formation en Bretagne, illustre : «Sur les six premiers mois de l’année 2023, nous avons dépassé les objectifs de 2019, année avant Covid.  Nous avons dispensé plus d’un million de formations ! Cela confirme la volonté des collectivités de toujours former leurs agents. »

Quel financement pour l’apprentissage ?

12702 apprentis ont été employés dans les collectivités en 2022. Mais seulement 20,5% des répondants ont eu effectivement recours à l’apprentissage. L’outil reste l’apanage des plus grands employeurs locaux car ceux-ci ont les moyens de mettre en place du tutorat et des postes d’accueil.

Cependant, le financement de l’apprentissage dans les collectivités risque d’être de plus en plus hasardeux. Yohann Nédélec n’hésite pas à employer des mots forts pour exprimer sa colère à l’égard de l’Etat et de France compétences qui ont trahi leurs promesses de cofinancer l’apprentissage dans la FPT : «il s’agit d’un véritable hold up sur les finances du CNFPT ! L’année dernière, nous avons utilisé du surplus budgétaire qui restait au CNFPT pour financer les 12000 apprentis. Le coût global d’un apprenti est de 9500 euros. En 2023, nous avons eu 18000 demandes. Pour les financer en intégralité, il faut 162 millions d’euros. La cotisation de 0,1% [prélevée sur le budget des collectivités] ne nous permet de mobiliser que 85 millions d’euros, ce qui correspond à 9000 apprentis. A côté de cela, le gouvernement qui ne finance plus l’apprentissage dans les collectivités, verse 6000 euros par apprenti dans le secteur privé. La FPT est vraiment un parent pauvre. »

Remplacer les départs

Malgré le contexte budgétaire défavorable aux collectivités, de plus en plus disent vouloir recruter (51% des répondants contre 49,2% en 2022). La tendance est en croissance constante depuis 2015. Le remplacement des départs reste la première raison (60,4%) pour laquelle une collectivité et un EPCI envisage de recruter. Le chiffre est en forte progression, il n’était que de 44% en 2017.

Les départs en retraite expliquent en grande partie ce phénomène d’autant que la maîtrise des dépenses de fonctionnement empêche souvent les créations de poste (seuls 10% des répondants ont fait état de créations de poste en 2023).

Les créations de postes se font toujours essentiellement dans les domaines techniques, les secteurs de l’enfance, de l’éducation et de la jeunesse et un peu moins dans les fonctions supports.

« Nous avons des freins à lever, juge Vincent Le Meaux : nous ne sommes pas assez réactifs dans les recrutements, il nous faut mieux accompagner les agents et futurs agents par la formation. Nous devons aussi faire face au problème majeur de concurrence d’un statut privé qu’est le régime des contractuels. Cela peut déstabiliser les équipes sans bonne politique RH. Les centres de gestion sont très vigilants sur ces sujets ».  

Le Baromètre HoRHizons RH 2023 à télécharger

Support de présentation de la conférence de presse

(1)    Le Baromètre HoRHizons est produit par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale (FNCDG), l’Assemblée des Départements de France (ADF) et Régions de France.
(2)    Enquête de terrain réalisée par le cabinet Qualitest par téléphone du 15/05/2023 au 30/06/2023 auprès d’un échantillon représentatif de 1000 collectivités et établissements publics territoriaux dont 5 régions, 25 départements, 769 communes, 43 communautés d’agglomération, 152 communautés de communes, 3 communautés urbaines et 3 métropoles.

Bénédicte Rallu
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