La CDPPT de l’Eure a l’habitude de se réunir, en fonction des salles disponibles, à la préfecture ou à la cité administrative. Précisions que ces bâtiments administratifs sont voisins et se situent dans le même quartier que l’hôtel de département, le palais de justice, l’hôtel de police, une antenne du journal local Paris-Normandie… L’hôtel de ville se trouve à moins d’un kilomètre. Une véritable aire de l’action publique !
Le délégué territorial de la Poste, secrétaire de la CDPPT, Jean-Baptiste Baudin anime cette session extraordinaire (car organisée pour que Maires de France puisse y assister). Celle-ci débute par une information dramatique : le matin même, lors de sa tournée, un facteur a trouvé la mort au volant de sa voiture. La CDPPT souhaite lui rendre hommage, une minute de silence est décidée.
Cette histoire humanise une commission, par nature, très administrative et souvent inconnue des élus eux-mêmes et du grand public. Une CDPPT, ce n’est pas un simple acronyme abscons. Ce sont des individus qui se parlent, qui échangent pour améliorer la vie des populations, pour garder un service postal à peu près partout sur le territoire, y compris dans les zones rurales peu denses, malgré une évolution profonde des besoins et donc de l’entreprise publique historique qu’est La Poste. L’enjeu est de taille : «il s’agit de trouver l’adéquation entre le besoin et l’offre de services », explique l’un de ses membres.
Illustration avec l’un des dossiers du jour. Une agence postale communale demandait à bénéficier d’un ilot numérique (un ordinateur en accès libre permettant aux usagers d’effectuer leurs démarches en ligne) pour espérer survivre. Son avenir en effet interroge… «Avec trois clients par jour, on peut se demander si on sert encore l’intérêt général », commente l’un des membres. Dans les débats, les représentants de La Poste ne sont pas les moins allants. «On arrive toujours à trouver une solution, souligne Jean-Baptiste Baudin. Même s’il faut du temps, parfois un ou deux ans. Nous essayons d’être créatifs ».
« Le rôle de la CDPPT est de réfléchir à des formats innovants de présence postale. C’est une instance unique qui réunit les élus, l’Etat et La Poste. On y vote, on y discute, on y échange, on y trouve des idées », ajoute l’une de ses collègues. Avec une règle de fond : rien ne se fait sans l’accord du maire concerné. Le président de la CDPPT n’a d’ailleurs aucun souvenir de décision autoritaire : «il y a toujours l’accord du collègue [maire] », met en avant Jean-Paul Legendre, qui est aussi président de l’Union des maires de l’Eure et maire d’Iville (421 habitants).
Dans ce dossier du jour, la CDPPT n’a pas accordé la mise en place de l’ilot numérique (d’un montant de 4000 euros). Mais l’a accepté pour une autre agence postale qui ne compte que dix clients par jours. «A titre de test, pour voir si le fait d’installer un ilot numérique en formant le personnel à accompagner les usagers à son utilisation peut effectivement ramener de la fréquentation dans une agence postale ». Si le bilan est positif, alors l’agence postale communale aux trois clients par jour pourrait espérer obtenir finalement gain de cause. Dans le cas contraire, une nouvelle réflexion débutera.
La séance de la CDPPT a duré presque deux heures. Le rythme a été donné par l’ordre du jour établi par le secrétaire de la commission, Jean-Baptiste Baudin, et validé par le président de la CDPPT, Jean-Paul Legendre. Au menu : les actualités de La Poste dans le département (avec présentation des chiffres et services mis en place ou en passe de l’être), l’évolution du réseau, le fonds de péréquation, un sujet France services, avant les remarques ou questions diverses.
L’Eure compte 147 points de contact postaux, soit 73 bureaux de poste, 50 agences communales et intercommunales, 24 points relais, 1 France services et 20 facteurs guichetiers (agent distribuant le courrier et assurant un temps au guichet). 96 de ces points de contacts peuvent bénéficier du fonds de péréquation qui équilibre le réseau postal au niveau national (soit 66,6% des points de contact répartis dans 91 communes sur les 585 du département). 92,2% de la population départementale se situe à moins de 5 kilomètres et à moins de 20 minutes en voiture d’un point de contact [le contrat de présence postale 2023-2025 impose au groupe un minimum de 90% de la population ayant accès à un point de contact, ndlr].
« Le maillage territorial est très dense de communes de petite taille, commente la secrétaire générale de la préfecture. Le sujet de la mobilité y est très important, c’est une spécificité de ce département ». Le groupe La Poste, qui cherche à diversifier ses services, annonce, lors de la séance, ce qu’elle met en place dans l’Eure à ce titre : le «pack à dom » (un soutien à domicile des populations âgées fragiles et/ou isolées) va être déployé auprès de 650 personnes âgées sur quatre ans ; le programme «Baisse les watts » du ministère de la Transition écologique, porté par la Poste et ses partenaires dans ce département, aide les entreprises à réaliser des économies d’énergie.
Autre annonce, qui est presque un scoop : l’Eure pourrait accueillir, à partir de janvier 2024, un des cinq camions jaunes (des points de contact ambulants) qui couvriraient cinq zones tests en France, trop éloignées des points de contact physiques. Dans le département, cela permettrait de toucher les 7,8% de la population, non couverts par la présence postale traditionnelle. «Il s’agit d’une expérimentation ! », insiste Jean-Baptiste Baudin. Le secrétaire de la CDPPT présente alors une carte des points postaux du département qui met en avant quelques propositions de zones éligibles (voir photo ci-contre). Et révèle qu’une réflexion est en cours pour éventuellement équiper un camion d’un distributeur de billets (une question sensible et complexe d’un point de vue sécurité liée au déplacement de billets de banque).
Outre les services de la Poste, un point est également fait sur les «partenariats réalisés », c’est-à-dire sur les ouvertures d’agences communales. Il y en a eu deux en 2023 à Léry (2039 hab.) et à la Neuve Lyre (585 hab.). Six autres projets en sont au stade du dialogue. Jean-Baptiste Baudin fait un état des dossiers, puis évoque la solution du facteur guichetier pour six autres communes.
Vient ensuite le moment où les élus locaux jouent les principaux acteurs avec les décisions de fléchage de fonds pour différents projets (13 types de dépenses éligibles) dans le cadre des dépenses non obligatoires du contrat de présence postale, rendues possibles par le fonds de péréquation. La dotation de la CDPPT de l’Eure s’élève à 241393 euros pour l’année 2023 hors reports [des crédits restants peuvent être reportés d’année en année sur toute la durée du contrat de présence postale, NDLR].
Au cours de cette séance, la CDPPT accordera 5600 euros pour des travaux de rénovation d’une agence postale à Neaufles-Saint-Martin (1347 hab.), 20000 euros pour la transformation d’un bureau de poste en agence postale communale à Bosroumois (3786 hab.), 10000 euros à l’Association Prehandys276 pour un projet de lutte contre la fracture numérique «Handicap et Accessibilité numérique, et 4000 euros à Dangu (582 hab.) pour tester si la présence d’un ilot numérique a un impact sur la fréquentation.
Particularité du contrat de présence postale : le fonds de péréquation finance aussi les France services postales. Lors de la séance du 27 septembre, les membres de la Poste de la CDPPT de l’Eure font part aux élus d’un projet de création d’une antenne de la France Services de Fleury-sur-Andelle (1846 hab.) à Romilly-sur-Andelle (3311 hab.), où c’est le facteur guichetier qui assurera le service, avant de renvoyer éventuellement vers la France services principale.
Avant de conclure la séance, le président, sollicité directement par la maire du Neubourg (4478 hab.), aborde la question de la mise aux normes «personnes à mobilité réduite » (PMR) d’un distributeur automatique de la Banque postale dans cette commune (un sujet qui n’entre pas dans le champ du contrat de présence postale). Sur deux DAB, la banque n’en conserverait qu’un seul et éviterait une mise aux normes PMR coûteuse.
Jean-Paul Legendre, avocat dans la vie civile, plaide pour sa collègue qui souhaite conserver les deux DAB. Les échanges permettent de découvrir le nœud du problème : La Poste ne pourrait pas réaliser les travaux «PMR » sur le DAB évoqué car ceux-ci se situeraient sur la voie publique et non sur le parking attenant privé. Un message que transmettra le président de la CDPPT à la maire du Neubourg. Cette intermédiation permettra peut-être de résoudre le problème.
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