Pratique
01/04/2019
Transports, mobilité, voirie

Règlementer l'utilisation des engins de déplacement personnel (EDP)

La règlementation concernant les conditions d'utilisation des EDP devrait évoluer. Les collectivités disposent déjà d'outils pour réguler leur usage.

Les EDP électriques ne relèvent aujourd'hui d'aucune catégorie de véhicules définie dans le Code de la route.
Le développement des nouvelles formes de mobilités (vélos, trottinettes ou autres engins de déplacement personnel – EDP) modifie les modalités de circulation sur l’espace public. Les collectivités peuvent réguler le bon usage de ces moyens de locomotion et la cohabitation entre les différents usagers sur la voie publique.

1La circulation des vélos et EDP avec ou sans moteur
Alors que les vélos sont considérés comme des véhicules devant circuler sur la chaussée, les utilisateurs des EDP sans moteur (trottinettes, skate-board, rollers) sont considérés comme des piétons (art. R. 412-34 du Code de la route). Ils doivent donc rouler sur le trottoir et sont interdits sur les voies de circulation.
En revanche, les EDP électriques (e-EDP), tels que trottinettes à moteur, hoverboards, giroroues, giropodes, etc., ne relèvent à ce jour d’aucune catégorie de véhicules définie dans le Code de la route. Selon le ministère de l’Intérieur (1), « leur circulation dans l’espace public n’est pas réglementée ni autorisée, de sorte que leur usage est en principe limité aux espaces privés ou fermés à la circulation ». Cependant, leur circulation est actuellement « tolérée » sur les voies de circulation et les pistes cyclables, faute de base légale permettant une verbalisation par la police ou la gendarmerie (hors cas de mise en danger de la vie d’autrui, art. 223-1 du Code pénal, avec une amende de 15 000 euros et un an de prison). 

2 Les pouvoirs du maire en matière de circulation
La réglementation encadre très peu ces mobilités « alternatives ». Il en résulte une cohabitation parfois dangereuse entre piétons, cyclistes, motocyclistes et automobilistes, d’une part, et, d’autre part, les utilisateurs de ces EDP électriques, dont certains peuvent atteindre les 40 km/h alors que la vitesse de circulation sur le trottoir est limitée à 6 km/h et à 25 km/h sur les pistes cyclables. La régulation de la vitesse est donc un paramètre primordial. Le maire, au titre de ses pouvoirs de police spéciale de la circulation et du stationnement (art. L. 2213-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales), a toute latitude pour prendre les mesures adaptées au contexte local en fonction des usages. 
Le maire peut également, grâce aux dispositions du Code de la rue (un dispositif piloté depuis 2005 par la Délégation interministérielle à la sécurité routière), mettre en place des zones de circulation apaisées (zone de rencontre, aire piétonne, zone 30) pour permettre aux piétons, cyclistes et utilisateurs d’EDP de cohabiter (lire Maires de France, mai 2018, p. 56-57). Par exemple, à Vitré (35), Bruno Maisonneuve, adjoint au maire en charge des déplacements, indique que « le passage de la ville en zone 30 et 20 a eu un effet rebond sur la pratique du vélo de 7 % en 2017 ». 
À ces dispositions du Code de la rue, devraient s’ajouter, courant 2019, les mesures prévues par le Comité interministériel à la sécurité routière de janvier 2018 sur le réaménagement des passages piétons : reconfiguration des abords immédiats (avec stationnement vélos et EDP possible), mise en place de « sas » et matérialisation d’une ligne au sol à 5 mètres en amont des passages piétons afin que la visibilité de tous les usagers soit améliorée lors des déplacements (non obligatoire dans un premier temps). 
Enfin, en fonction des circonstances locales, le maire peut interdire, par arrêté municipal, l’usage des engins à roulettes (mais pas encore les e-EDP) sur tout ou partie du territoire de sa commune et entraîner la verbalisation des usagers, sur la base de cet arrêté. 

3Organiser le stationnement  
Une politique de mobilités doit toujours comporter un volet «stationnement ». Le choix du type d’aménagement sera fonction de la durée du stationnement. Ainsi, la mise en place d’arceaux extérieurs suffit pour un temps court et un emplacement sous abris pour une plus longue durée. Toutefois, ces aménagements peuvent ne pas suffire compte tenu de l’arrivée des EDP. En effet, la gêne occasionnée par le stationnement des vélos et autres engins en libre-service (obstacle à la circulation des piétons), mis à disposition sans point d’attache (free-floating) par des loueurs professionnels, devient de plus en plus prégnante. Pour encadrer a minima ces usages, et en l’absence de cadre légal, la ville de Paris a signé, en juin 2018, des «chartes de bonne conduite » avec les prestataires de location de vélos et de scooters. Ces derniers se sont engagés à prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les abonnés au service respectent le Code de la route, notamment les conditions de stationnement, et que les engins offrent des garanties maximales de sécurité, etc. Ces chartes ne sont pas applicables pour le moment aux flottes de trottinettes, faute de dispositifs légaux existants. Mais le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), discuté actuellement au Parlement, devrait faire évoluer la règlementation (lire ci-contre).

4Recommander le port d’équipements de sécurité 
Comme l’indique Benoît Hiron, du Cerema (lire ci-contre), les EDP «ne répondent pas aux caractéristiques et équipements qui seraient souhaitables : c’est-à-dire une immatriculation et un brevet de conduite, afin de les assimiler d’une certaine façon à des cyclomoteurs ». Ainsi, et toujours dans le cadre des décisions du Comité interministériel de 2018, sont attendues par décret, prochainement, des mesures sur le port obligatoire de gilet haute sécurité ou de vêtements comportant des éléments de visibilité. Enfin, le port d’autres équipements de sécurité pourrait être fortement recommandé (gants, casques, etc.), en dehors du seul cas obligatoire du port du casque pour les enfants de moins de 12 ans sur les vélos. 

5Communiquer
Accompagner les politiques locales de développement des mobilités « actives » est nécessaire. Les collectivités peuvent notamment faire des recommandations en matière de sécurité aux utilisateurs et mettre en place des actions de sensibilisation. Elles peuvent faire appel au tissu associatif local ou encore aux associations nationales, telles que l’Association nationale pour la prévention routière et le Club des villes et territoires cyclables. Elles peuvent élaborer un plan plus global de communication auprès de tous les usagers de la voie publique. La métropole de Bordeaux l’a réalisé avec la mise en place d’un kit pédagogique, d’une page Facebook dédiée (https://fr-fr.facebook.com/bordome trovelo), de clips vidéos, etc. Ces outils permettent de rappeler les bons comportements et usages à avoir afin d’assurer la sécurité de tous (avec le rappel des règles du Code de la route, etc.) et ainsi de faciliter la cohabitation entre tous les usagers de l’espace public.


(1) Réponse du ministère de l’Intérieur (JO Sénat du 13 septembre 2018).

Avis d’expert
Benoît Hiron,
chef du groupe sécurité des usagers et déplacements au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environ-nement, la mobilité et l’aménagement)
« Dans le cadre de la préparation de la loi LOM, les discussions menées lors des Assises de la mobilité ont conduit à la proposition d’un cadre légal réglementaire qui définirait les e-EDP (un «engin » ne disposant pas de siège) et des règles d’usages dans le Code de la route, complété par des possibilités de dérogation données au maire au titre de ses pouvoirs de police. Il s’agit de trouver un compromis entre l’intérêt de ces e-EDP, leur sécurité et celle des autres usagers. Dédier les trottoirs aux seuls piétons a été l’élément le plus partagé. En conséquence, au vu de leur vitesse, la circulation de ces «engins » dans les aménagements cyclables semble être une porte d’entrée «acceptable » pour les collectivités, ainsi que sur la chaussée dans les zones de circulation apaisée (zone 30...). Cela doit toutefois nous réinterroger sur les largeurs des aménagements cyclables (1 m 50 à ce jour) et ne pas empêcher une révision plus large des modes de partage de la voirie, quand les aménagements cyclables et/ou piétonniers ne sont pas suffisants, notamment en présence de zones de stationnement surdimensionnées par exemple. » 

Des évaluations réglementaires
Sur un amendement proposé par les associations d’élus, dont l’AMF, et voté le 6 mars en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, l’article 18 du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) devrait permettre aux autorités en charge de la mobilité de «soumettre les services de partage de véhicules et d’engins permettant le transport de passagers ou de marchandises, mis à disposition des utilisateurs sur la voie publique et accessibles en libre service, sans station d’attache, à un régime d’autorisation préalable ». Celle-ci fixerait le nombre et les caractéristiques des engins, les mesures pour assurer le respect des règles de circulation et de stationnement, le montant de la redevance d’occupation du domaine public, etc. Le texte devait être débattu au Sénat jusqu’au 2 avril.

En savoir +     
• Sur le Code de la rue : www.securite-routiere.gouv.fr/connaitre-les-regles/la-route-la-rue/le-code-de-la-rue2 
• Le Club des villes et territoires cyclables : www.villes-cyclables.org  
• L’Association pour la prévention routière : www.preventionrou tiere.asso.fr 
• Le site de la ville de Bordeaux : https://sedeplacer.bordeaux-metropole.fr/
• Le site de la ville de Paris : www.paris.fr/ actualites/velos-en-libre-service-pour-un-partage-de-l-espace-public-harmonieux-5286 
 

Florence MASSON 
n°367 - Avril 2019