Juridique
01/05/2019
Élections

La communication en période préélectorale

Les règles applicables aux actions de communication des communes, des EPCI et des candidats en période préélectorale entreront en vigueur le 1er septembre 2019.

Six mois avant les élections (soit à partir du 1er septembre 2019, pour les municipales de mars 2020), les actions de communication des communes, des EPCI et des candidats sont encadrées par la loi. On n’insistera jamais assez sur le respect de ces règles, qui visent notamment à assurer une égalité de traitement entre les candidats, en interdisant l’utilisation des moyens publics aux élus sortants candidats à leur succession. La communication institutionnelle des collectivités locales peut bien sûr se poursuivre pendant cette période, mais dans un cadre strict car il lui faut éviter toute propagande électorale en faveur des élus sortants candidats. Sont concernés par les restrictions du Code électoral, les bulletins d’information des communes et des EPCI, avec notamment l’éditorial de l’exécutif et les tribunes politiques, les inaugurations, les cartes de vœux, les flyers et documents d’information édités notamment par la commune ou l’EPCI, mais aussi les modes de communication électronique (sites internet, blogs et comptes Facebook, Twitter ou WhatsApp...). Afin de ne pas tomber sous le coup des interdictions prévues par le Code électoral, les élus doivent se demander si, hors période préélectorale, les mêmes actions de communication auraient été envisagées.

1 - Les grands principes
La jurisprudence a défini quatre grands principes cumulatifs dont le respect permet de poursuivre, en toute légalité, la communication habituelle en période préélectorale :
• la neutralité constitue le critère le plus important à respecter. Les moyens et supports de communication de la collectivité peuvent évoquer la vie locale, mais sans mentionner l’élection à venir ni mettre en avant les actions du candidat sortant. Il convient de garder un ton neutre et informatif, dépourvu de toute propagande ou polémique électorale ; 
• l’antériorité. La commune ou l’EPCI peut continuer à communiquer via ses outils de communication (bulletin municipal ou intercommunal, site internet…), à organiser des manifestations ou des cérémonies à partir du moment où ces actions ont un caractère traditionnel et ne sont pas assorties d’éléments destinés à influencer les électeurs ;
• la régularité. Ce principe exige notamment que la périodicité d’une action de communication ne soit pas modifiée. Le juge s’attache par exemple à vérifier que le rythme de parution du bulletin municipal ne s’accélère pas à l’approche des élections, et que son format et son contenu demeurent similaires aux précédentes diffusions. L’élu peut continuer à signer son éditorial s’il le faisait auparavant régulièrement et ce, à condition que le contenu soit, bien évidemment, neutre. De même, sa photographie peut être maintenue dès lors que cette pratique avait un caractère habituel et régulier. Pour le site internet de la collectivité, le juge vérifie qu’il n’y a pas eu de mise à jour du site qui serait inhabituelle, particulièrement répétitive ou injustifiée ;
• l’identité. À l’approche des élections, les différents moyens de communication ne doivent pas connaître de modifications avantageuses de l’aspect, de la présentation ou des rubriques présentées. Mieux vaut donc éviter, en cette période, de nouvelles formules pour le bulletin municipal ou une refonte du site internet. La collectivité peut en revanche continuer à organiser des manifestations, même nombreuses, si elles sont analogues à celles des années précédentes. 

2 - Des pratiques prohibées six mois avant l’élection
À partir du premier jour du sixième mois précédant celui de l’élection (soit à compter du 1er septembre 2019, pour les municipales de mars 2020), le Code électoral prohibe :
• les campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité (art. L. 52-1, alinéa 2). 
Pour ne pas enfreindre cette règle, la communication institutionnelle de la collectivité doit faire l’objet de la plus grande prudence. Tout ce qui relève de l’information pure des administrés et de l’exercice normal des compétences reste admis, dans le respect des quatre grands principes énoncés ci-dessus. En revanche, toute communication mettant en valeur la personnalité des candidats, leurs réalisations ou leurs projets, dressant un bilan avantageux de l’action menée, etc., s’apparente à un moyen de propagande. Toutes les collectivités (syndicats de communes, communautés de communes ou d’agglomération…) sont soumises à ces restrictions.
La jurisprudence considère que l’inauguration très tardive d’un équipement par rapport à son ouverture au public peut tomber sous le coup de l’art. L. 52-1, alinéa 2 du Code électoral. 
En revanche, rien n’empêche un candidat sortant de présenter un bilan de mandat, dès lors qu’il le fait en dehors des supports de communication de la collectivité, qu’il le finance sur ses fonds propres, et que les dépenses de communication ainsi générées sont imputées sur son compte de campagne (prévu pour les candidats des communes de plus de 9 000 habitants).  
On ne saurait d’ailleurs trop conseiller aux élus candidats d’utiliser, pour leurs documents de campagne, une charte graphique bien distincte de celle de la collectivité afin de ne pas prêter à confusion. Sur le site internet de la collectivité, il est recommandé d’effacer toute information susceptible de tomber sous le coup de l’art. L. 52-1, alinéa 2, même si sa mise en ligne est antérieure à six mois avant le scrutin.
• La publicité commerciale (art. L. 52-1, alinéa 1er) Cette interdiction générale concerne la diffusion de tout message de propagande électorale sur tout support publicitaire (insertion d’annonces dans un périodique, pages de publi-informations, temps d’antenne dans les médias vantant les réalisations de la municipalité…), que celle-ci soit effectuée avec ou sans contrepartie financière. Dans ce cadre, les candidats ne doivent pas acheter de l’espace publicitaire sur un site internet à gestion commerciale. De même, leur site internet ne doit pas afficher de message publicitaire, ce qui constituerait un financement par des personnes morales en infraction avec l’art. L. 52-8 du Code électoral.
• L’affichage sauvage (art. L. 51). Cette interdiction concerne l’apposition d’affiches ou de banderoles en dehors des emplacements spéciaux réservés par les communes, par exemple, sur des propriétés privées, aux vitrines ou fenêtres de locaux de permanence électorale, etc.
• Les numéros d’appel gratuits pour le candidat (art. L. 50-1). Il est interdit de porter à la connaissance du public un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit au profit d’un candidat ou d’une liste. Les numéros verts du type «Allô monsieur le maire » peuvent être maintenus, en veillant à ne renseigner les administrés que sur des questions d’intérêt pratique, sans servir de support de propagande électorale.

3 - La veille du scrutin
La veille du scrutin, à compter de zéro heure, il est interdit de distribuer des bulletins ou autres documents (art. L. 49, alinéa 1er) et de diffuser des messages ayant le caractère de propagande électorale (art. L. 49, alinéa 2). Il est conseillé de ne publier aucun message sur les réseaux sociaux. La veille et le jour du scrutin, la publication, la diffusion ou le commentaire de sondages d’opinion est interdite.

4 - Le jour du scrutin
Le jour du scrutin, il est interdit de communiquer le résultat de l’élection avant la fermeture du dernier bureau de vote (art. L. 52-2).

5 - Sanctions
Il appartient au juge électoral d’apprécier souverainement le respect de toutes ces règles. Il s’attache à vérifier, notamment, l’écart de voix entre les listes et le respect du principe d’égalité entre les candidats, le degré de propagande, la bonne foi du candidat, l’impact du message diffusé sur les électeurs et le contenu des informations diffusées. 
Les sanctions encourues dépendent de la nature et du degré de gravité de l’irrégularité constatée. Il peut s’agir de sanctions électorales (annulation du scrutin, inéligibilité du candidat), de sanctions financières (réintégration de la contre-valeur de l’avantage consenti au candidat dans son compte de campagne) ou de sanctions pénales. 
Ces dernières ont été renforcées par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Le candidat encourt 75 000 € d’amende si, dans les six mois précédant le scrutin, une campagne de promotion publicitaire de la gestion d’une collectivité, ou une publicité électorale par un moyen de communication audiovisuelle ou par voie de presse (art. L. 90-1 du Code électoral) sont réalisées. Il s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende en cas d’affichage sauvage ou de publicité commerciale (art. L. 113-1 du Code électoral). 


« Fake-news » en période préélectorale
La loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information a instauré une procédure en référé pour faire cesser la diffusion « d’allégations inexactes ou trompeuses 
d’un fait de nature à altérer la ­sincérité du scrutin à venir ». Codifiée à l’article L. 163-2 du Code électoral, elle peut être activée trois mois avant le premier jour du mois des élections, jusqu’au jour du scrutin. Le Conseil constitutionnel a précisé qu’elle ne concerne « ni les opinions, ni les parodies, ni les inexactitudes partielles ou les simples exagérations », qu’il doit s’agir d’allégations « dont il est possible de démontrer la fausseté de manière ­objective », dont la diffusion répond à trois conditions cumulatives : « être ­artificielle ou automatisée, ­massive et délibérée ».


Les modes de communication en ligne
Le législateur n’a pas défini de manière exhaustive les modes de communication soumis à la réglementation en période préélectorale. Tous sont donc a priori concernés, y compris les sites internet, les réseaux sociaux, les blogs... Les principes valables pour les supports de communication traditionnels s’appliquent à ces outils en ligne. 
• Les sites internet des communes et EPCI se contentant de donner des informations de nature administrative ne posent pas de problème. En revanche, il convient d’effacer, six mois avant l’élection, toute information ayant le caractère d’une promotion de la collectivité, même si celle-ci a été mise en ligne ­antérieurement à cette date.
• Des jurisprudences sont intervenues à propos des réseaux sociaux. Le juge a annulé plusieurs scrutins, en particulier lorsque l’écart de voix entre les candidats était faible (jurisprudence du Conseil d’État du 06/05/2015, n° 382518). Il est donc conseillé, à compter du 1er septembre 2019, de transformer les comptes des communes et EPCI sur les réseaux sociaux en de simples vitrines. Le candidat peut disposer d’un compte en propre, mais celui-ci doit être bien distinct de celui de la collectivité et n’entretenir aucune confusion. 
• Il est également conseillé de suspendre le blog du maire ou du président de l’EPCI, financé par la commune ou l’EPCI, et dont l’objectif est de réagir à 
l’actualité, prendre position sur des sujets de société, etc. Le candidat pourra créer son propre blog, en inscrivant la dépense dans son compte de campagne, le cas échéant, et en s’assurant que la charte graphique est différente de celle du blog de l’élu et des outils de communication de la collectivité.


Références 
• Articles L. 49, L. 50-1, L. 51, L. 52-1, L. 52-2, L. 90-1, L. 113-1 et L. 163-2 du Code électoral.
• Loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.
• Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information et décret n° 2019-53 du 30 janvier 2019.


En savoir +
• Note du Département administration et gestion communales de l’AMF du 18 mars 2019, comprenant une multitude d’exemples détaillés issus 
de la jurisprudence. www.amf.asso.fr (réf. CW39332).
• L’AMF a créé sur son site internet un  portail dédié aux élections municipales proposant des éléments utiles aux candidats. 
www.amf.asso.fr/m/theme/municipales 2020.php

Fabienne NEDEY et Judith mwendo
n°368 - Mai 2019