Thierry Butzbach
Le 26 septembre 2022 , les travaux de débroussaillage ont débuté sur le site de l'ancienne décharge de Fouras. Ensuite, 19 000 m3 de déchets seront retirés, triés sur place et envoyés vers les filières de recyclage spécialisées. Le chantier de réhabilitation du Magnou durera au moins un an.
Comme beaucoup d’autres communes, Fouras avait sa décharge jusqu’au début des années 1990. Il s’agissait alors d’un terrain privé mis à disposition de la collectivité, situé au Magnou, à 50 mètres de la mer… Chacun y apportait ses ordures ménagères, voire un peu plus.
Régulièrement, les services municipaux brûlaient les déchets pour accélérer leur décomposition et gagner de la place. Recouvert d’une couche de terre végétale, le site aurait pu se faire oublier. Mais l’érosion naturelle a peu à peu fait reculer le trait de côte jusqu’aux déchets. Qui, dès lors, menacent de polluer la mer et risquent de dégrader les cinq plages de cette commune touristique tout en fragilisant le bassin ostréicole local.
En 2014, l’équipe municipale demande à la communauté de communes dont elle dépend une étude pour caractériser les déchets et évaluer le coût d’une dépollution. Verdict : sur une surface de près de 2 ha, il y a plus de 22 000 m
3 de déchets enfouis entre 1 et 2,5 mètres de profondeur. La teneur en polluants est jugée faible mais la réhabilitation du site, avec extraction, tri et valorisation des déchets, est estimée à 1,5 millions d'euros. Soit un quart du budget de fonctionnement de la commune à l’époque !
Munie de cette étude, la mairie de Fouras frappe à toutes les portes à partir de 2015 : les services de l’État (DDTM, DREAL), les agences de l’eau, l’Ademe, la région, le département, le conservatoire du littoral. Chacun admet l’importance du sujet tout en soulignant la délicate question de la répartition du budget. En désespoir de cause, la maire de l’époque, Sylvie Marcilly, écrit à Nicolas Hulot, alors ministre de l’Environnement, pour attirer son attention.
Chantier de longue haleine
Pour autant, l’équipe municipale ne baisse pas les bras. À la suite d’innombrables heures passées en réunion, une répartition des rôles se fait enfin jour début 2019 : alors que le département de Charente-Maritime accepte de prendre la fonction de maître d’ouvrage et de financer les études et les travaux à hauteur de 20 %, l’État décide d’accompagner le projet sous réserve que le conservatoire du littoral devienne propriétaire du site et que ce dernier soit renaturé pour être intégré dans le périmètre de la Baie d’Yves.
Avant l’engagement de la phase opérationnelle, le principe et le financement d’une nouvelle étude actualisée sont actés. L’objectif est alors de dépolluer totalement le site avant d’y favoriser la reconquête végétale.
Présentées en décembre 2020, les conclusions font l’effet d’une douche froide : la facture est estimée à 7,1 millions d'euros, soit le budget annuel de fonctionnement de la commune. Car parmi les scénarios proposés, c’est la solution la plus durable (et la plus chère) qui a été retenue, avec excavation des déchets et mise en place d’un tri sur site en vue d’optimiser la réutilisation de matériaux.
Malgré cette réévaluation, le département maintient le principe de sa participation. Puis le projet est inscrit au plan de relance, mais sans budget. Les étoiles s’alignent définitivement le 11 février 2022 : lors du One Ocean Summit de Brest, Emmanuel Macron annonce un plan d’accompagnement des collectivités territoriales dans la résorption de décharges littorales historiques présentant un risque de rejet de déchets en mer, avec un fonds dédié géré par l’Ademe (lire ci-dessous).
Cerise sur le gâteau : la décharge du Magnou de Fouras figure parmi les trois sites pilotes chargés d’expérimenter la démarche et de permettre, à terme, d’établir les préconisations techniques et financières pour réhabiliter les autres sites.
Après quelques jours d’incertitudes, l’État confirme sa participation au projet à hauteur de 3,5 millions d'euros, les autres collectivités bouclant le financement (lire ci-dessous). «La mairie a eu le mérite d’avoir un projet déjà prêt et bien ficelé, et d’avoir frappé préalablement aux bonnes portes », confie aujourd’hui l’équipe du maire, Daniel Coirier, qui, sitôt élu en 2020, a repris le dossier. Les travaux ont débuté fin septembre et dureront au moins un an.
Interview
Éric Simonin, adjoint au maire chargé
de l’environnement et de la protection
du littoral
« L’engagement du département
a été déterminant »
• Le financement de la réhabilitation du site a posé problème. Quel a été le déclic ?
L’engagement du département a incontestablement été déterminant. Dès 2014, nous avions réuni les différents acteurs. La communauté de communes, le département, la région, le conservatoire du littoral…, tout le monde était d’accord sur le fait qu’il fallait faire quelque chose. Mais la répartition financière restait floue. Début 2019, le département de Charente-Maritime s’est engagé à assurer la maîtrise d’ouvrage du projet en apportant 20 % du financement. Cela a complètement débloqué la situation et permis à chacun de se positionner.
• L’annonce récente du plan de résorption des décharges littorales historiques a aussi été important…
En fait, le projet figurait déjà dans le plan de relance de l’État annoncé en 2021. Mais sans montant précis, donc le flou persistait. Ce n’est qu’en février 2022, à l’occasion du One Ocean Summit de Brest, que le plan de résorption des décharges a été officiellement annoncé. Là, toute l’équipe municipale a poussé un vrai «ouf ! » de soulagement… C’était gagné ! Surtout que la décharge figurait parmi les trois sites pilotes. Néanmoins, des doutes subsistaient sur le montant de la subvention attendue. Dix jours plus tard, Bérengère Abba, alors secrétaire d’État à la Biodiversité, venait elle-même nous confirmer la participation de l’État à hauteur de 3,5 M€. Ce qui représente quand même 50 % du montant.
• Le principe pollueur-payeur ne pouvait-il pas s’appliquer au site du Magnou ?
Pas vraiment. La commune n’était pas propriétaire du site. Mais la décharge était exploitée sans convention au bénéfice de tous les citoyens. Il n’y avait donc aucune raison de faire payer les héritiers du terrain, qui n’étaient pas responsables. La commune avait une responsabilité morale dans cette histoire.
© Thierry Butzbach
Les acteurs clés
• L’équipe municipale. Pendant près de dix ans, la municipalité a multiplié les contacts et les réunions avec les différents partenaires institutionnels et financiers potentiels. Florence Chartier-Loman, actuelle 1re adjointe, s’est particulièrement engagée dans ce combat.
• Les autres collectivités, qui ont toujours été aux côtés de la commune et contribuent financièrement aux projets. Au final, sur un total de 7,1 millions d'euros, Fouras et la communauté d’agglomération Rochefort Océan apportent chacune 340 000 euros (5 % du budget chacune), tandis que le département de Charente-Maritime et la région Nouvelle-Aquitaine participent à hauteur d’environ 20 % chacune (respectivement 1,42 millions d'euros et 1,23 millions d'euros). L’État complète le financement.
• L’État et ses services. Le fonds de l’Ademe, mis en place dans le cadre du plan de résorption des décharges littorales historiques, finance la moitié du projet de réhabilitation de la décharge du Magnou (3,55 millions d'euros). La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement participe, elle, à hauteur de 222 000 euros. Le conservatoire du littoral acquerra le site après sa dépollution.
Un plan national de résorption
L’exemple de Fouras n’est pas isolé : dans les dix prochaines années, l’État ambitionne, via le «
plan de résorption des décharges littorales historiques », d’accompagner les collectivités dans la dépollution des sites menaçant de reléguer les déchets en mer sous l’effet de l’érosion ou de submersion.
Une liste (non exhaustive) de 67 décharges a été établie, susceptible d’être complétée par les préfets. Ce plan prévoit un accompagnement des élus locaux par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) pour localiser, évaluer les risques et déterminer la marche à suivre pour la gestion du site, jusqu’à la mise en place d’un programme de réhabilitation.
Un
guide méthodologique a été rédigé à l’attention des communes. Une enveloppe financière pluriannuelle de 30 millions d’euros est gérée par l’Agence de la transition écologique (Ademe), chargée du versement des subventions.
Par Thierry Butzbach
n°406 - NOVEMBRE 2022