Maires de France : Cette 26e édition de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH), organisée par les acteurs du handicap (LADAPT, l’Agefiph et le FIPHFP) dans toute la France jusqu'au 20 novembre, a pour thématique «A quand le plein emploi pour les personnes handicapées ». On en est loin. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Françoise Descamps-Crosnier : Les personnes en situation de handicap subissent beaucoup plus le chômage que les personnes valides : le taux de chômage pour elles est de 14% contre 7,4%. C’est deux fois plus ! Nous avons choisi cette thématique du plein emploi de manière un peu provoquante car effectivement nous en sommes loin. Notre objectif est de montrer que les personnes en situation de handicap qui sont employables ne doivent pas forcément être recrutées sur des emplois sous-qualifiés sur lesquels elles restent à vie. Elles peuvent être des opportunités dans les recrutements. Il y a toujours de la discrimination. Les études de la Défenseure des droits montrent bien que la première discrimination dans l’emploi, c’est le handicap. Et lorsque les personnes en situation de handicap sont dans l’emploi, elles manquent de perspectives dans leur parcours professionnel. La marche pour parvenir à l’égalité de recrutement est encore haute.
MDF: Quelles sont les pistes d’amélioration ?
F.D-C.: En tant qu’employeur, il faut d’abord se dire que le recrutement d’une personne en situation de handicap se fait d’abord parce que la personne a des compétences et des qualifications. Mi-mars, nous avons, au FIPHFP, mis en place un programme exceptionnel pour travailler sur les parcours professionnels, sur le coaching, sur la constitution de viviers. Nous avons rencontré le ministre de la Transformation et de la fonction publiques Stanislas Guerini pour mettre l’accent sur ces questions. Les parcours professionnels de personnes en situation de handicap restent trop souvent figés, y compris dans la haute fonction publique. Nous développons donc des partenariats avec de grandes écoles (comme l’Inet qui prépare à la haute fonction publique dans la fonction publique territoriale) et les universités pour voir comment on peut booster ces parcours professionnels. Nous avons la volonté d’aller plus loin sur les formations universitaires et sur les parcours après ces formations. Des personnes en situation de handicap, pourtant très diplômées, n’arrivent pas à trouver de travail. Le pourcentage pour ces diplômés est bien plus important que pour les diplômés valides.
MDF: Qu’est-ce qui bloque encore ?
F.D-C.: Le regard. Les employeurs ont toujours une certaine appréhension, une certaine peur de recruter une personne en situation de handicap. Souvent, c’est parce qu’ils ne savent pas comment faire. Le FIPHFP intervient alors pour les accompagner. Il y a des solutions qui permettent de bien intégrer une personne handicapée.
Nous sensibilisons les employeurs et le grand public à toutes les formes de handicap. 80% des handicaps sont invisibles. Un agent peut avoir des problèmes d’humeur qu’il est parfois difficile à comprendre. Cela peut provenir d’un handicap. Or lorsque l’on travaille sur cette question, bien souvent, les améliorations apportées sont bénéfiques pour tout le monde. Une remise en cause de l’organisation peut être gagnante/gagnante. La SEEPH permet chaque année de sensibiliser et de transformer ce regard.
MDF: Les collectivités sont vertueuses, elles dépassent le taux légal d’emploi de personnes en situation de handicap de 6%. Pourtant, vous avez une inquiétude, laquelle ?
F.D-C.: L’emploi des personnes en situation de handicap évolue positivement dans la fonction publique territoriale puisqu’il dépasse le taux de 6% obligatoire. Mais cela reste très hétérogène. Surtout, c’est l’évolution de la pyramide des âges de ces agents qu’il faut surveiller. Les personnes qui sont déjà dans l’emploi ont une moyenne d’âge élevée. Le pourcentage pourrait donc baisser avec les départs à la retraite. Les collectivités doivent veiller à ce qu’il ait plus de recrutements de personnes en situation de handicap que de départs. Le taux des 6% n’est pas seulement une incitation financière [Les organisations publiques qui n’emploient pas au minimum 6% d’agents en situation de handicap dans leurs effectifs doivent verser une contribution au FIPHFP, ndlr], il faut veiller à continuer à intégrer des personnes handicapées dans l’emploi. Lorsque nous signons une convention FIPHFP, nous sommes attentifs à cette courbe d’âge des agents.
MDF: S’il reste élevé, le taux de chômage des personnes en situation de handicap baisse. N’est-ce-pas une bonne nouvelle ?
F.D-C: Cette baisse s’explique par les efforts de recrutements, mais aussi… par la baisse générale du chômage dans le pays. Le secteur privé reste à taux d’emploi des personnes en situation de handicap de 3,5% et a du mal à l’augmenter. Cela pose question. Les personnes handicapées qui pourraient travailler sont-elles toutes inscrites à Pôle emploi ? Certaines sont découragées de ne pas trouver de travail. Rappelons que l’apprentissage est ouvert aux personnes en situation de handicap sans limite d’âge. La reconversion professionnelle peut être une solution, notamment pour les métiers en tension comme celui de secrétaires de mairies. Nous avons déjà vu des personnes en situation de handicap sur des formations de secrétaires de mairie. Le FIPHFP va essayer de voir là où il y a besoin de mettre en relation personnes handicapées et métiers en tension, voire de créer des viviers comme cela s’est fait pour la promotion de l’égalité femmes/hommes.
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