« Mayotte est devenu un territoire de peur, de traumatisme et de deuil », a déploré Madi Madi Souf, maire de Pamandzi et président de l’association des maires de Mayotte (AMM976), le 18 octobre, lors d’une conférence presse tenue à l’AMF en compagnie d’une délégation de maires et de parlementaires. Confrontés à «l’inaction » du gouvernement qu’ils alertent depuis des mois sur la gravité de la situation (une «opération île morte » avait été organisée à la mi-septembre), les élus sont venus à Paris «pour reprendre le contrôle du sol mahorais, en partenariat avec l’État », a résumé Madi Madi Souf.
Première étape, la conférence de presse tenue mardi 18 octobre en présence du président de l’AMF, David Lisnard, qui les a assurés du «soutien plein et entier de l’association ». Les maires ont décrit des «agressions de bandes de délinquants, souvent mineurs, qui sèment la terreur en toute impunité » dans toute l’île. Le président de l’AMM976 a souligné que «Mayotte, avec plus de 5 homicides par an pour 100 000 habitants, a le triste record des assassinats en Europe ». Les élus attribuent en partie cette situation dramatique à la «pression migratoire » (le département compte au moins 50 % d’étrangers et, parmi eux, de nombreux clandestins), qui alimente la délinquance et les violences.
Dans ce contexte, ils demandent à l’État de «poursuivre les efforts déployés dans la protection des frontières » et d’intensifier la lutte contre l’habitat indigne et les bidonvilles. Surtout, ils exhortent le gouvernement à déployer «plus de présence de toutes les forces de l’ordre sur le terrain » en suggérant une révision des zonages de police et de gendarmerie, à «garantir la sécurité des établissements et des transports scolaires », à doter la justice «des moyens lui permettant d’affirmer son autorité et faire cesser l’impunité qui règne aujourd’hui » (construction d’un deuxième centre pénitentiaire, d’un centre éducatif fermé et d’une cité judiciaire promis par l’État, création d’un Cour d’appel). «L’État doit être capable d’assurer la sécurité sur un territoire de 374 km2, a affirmé Mohamed Bacar, maire de Tsingoni. La population se tourne vers les maires mais nous n’avons pas les moyens qui relèvent du gouvernement ».
Pour convaincre les pouvoirs publics d’agir, la délégation d’élus mahorais se rendra mercredi 19 octobre au Sénat puis à l’Assemblée nationale afin de sensibiliser les parlementaires (avec le renfort des deux députés et deux sénateurs de Mayotte). Elle sera reçue, jeudi 20 octobre, par le ministre de l’Intérieur et celui des Outre-mer.
« Nous sommes à un point de bascule, la République recule, les acteurs économiques, les soignants, les enseignants quittent l’île, s’est alarmée Estelle Youssouffa, députée de Mayotte. Il faut agir ! C’est une question régalienne, l’État doit reprendre le contrôle de la situation ». Sinon ? «Les gens vont se faire justice eux-mêmes, cela a commencé. Mais là, nous allons vers l’anarchie », a-t-elle affirmé en rappelant qu’« il y a dix ans, avant que Mayotte devienne un département français, on ne dénombrait aucun homicide… ».
« Nous refusons une violence normée. Notre mobilisation permettra, je l’espère, de prendre la nation et nos compatriotes à témoin de la situation catastrophique, et de provoquer une réaction de l’État », veut croire Soumaila Ambdilwahedou, maire de Mamoudzou. «La situation est paroxystique, a constaté David Lisnard. L’État, qui n’a jamais autant prélevé de charges, est défaillant dans un domaine régalien, la sécurité. Cela amplifie le sentiment d’impuissance publique chez nos concitoyens, et donc la crise civique. Il faut rompre avec cette spirale infernale », a conclu le président de l’AMF qui relaiera la mobilisation des élus mahorais auprès du gouvernement.
La sécurité sera l’un des thèmes abordés, le 21 novembre, lors de la réunion des Outre-mer, à Issy-les-Moulineaux, dans le cadre du 104e Congrès de l’AMF.