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19/09/2022
Fonction publique

Secrétaires de mairie : premier métier en tension, sujet de réflexion

Un colloque co-organisé par le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales et l'Association des directeurs généraux des communautés de France a été consacré aux secrétaires de mairie. Une première qui a confirmé les difficultés des maires à recruter et qui a permis d'esquisser des pistes à travailler pour développer l'attractivité de ce métier.

« Oui, nous sommes des couteaux suisses des maires », a conclu l’une des secrétaires de mairie présente au colloque co-organisé le 16 septembre, à Paris, par le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) et l’Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) sur le thème : «  Secrétaire de mairie : «  espèce » menacée de la territoriale ou clé de voûte du bloc local au XXIe siècle ? » (relire aussi notre article Communes recherchent secrétaires de mairie).

La polyvalence des missions et des compétences requises, la particularité des profils, la charge de travail, la méconnaissance de ce métier par les élus et le grand public ont été les aspects les plus mis en avant tout au long de cette journée. «Le travail est très diversifié. Je ne me suis jamais ennuyée. C’est chaque jour différent. La dématérialisation a alourdi notre travail car nous n’avons pas la fibre optique. Tout est vite compliqué pour les visioconférences, le téléchargement de documents… », a témoigné Marie-Françoise Gicquel, secrétaire de mairie d’Abbaretz (2 200 hab., Loire-Atlantique). «C’est très dynamique, je suis souvent sur le terrain avec les élus, les échanges avec les collègues sont humains et j’apprends tous les jours », a également illustré Pierre Durand, secrétaire de mairie de Bouée (1 000 hab., Loire-Atlantique). Pour lui aussi, la dématérialisation a aussi eu un impact négatif : «pour la DETR et la DSIL, nous déposons nos demandes sur un serveur mais n’avons plus d’échanges avec les équipes de l’Etat ».
 

Conditions d’exercice difficiles

Une étude sociographique des secrétaires de mairie travaillant dans les Hauts-de-France (1 029 répondants), réalisée par Sébastien Vignon, maître de conférence à l’université d’Amiens, présentée lors du colloque, montre certaines spécificités de ce métier qui peuvent compliquer la tâche des recruteurs.

Exemple : les postes ne sont pas homogènes au regard de leur qualification puisqu’ils sont pourvus par des catégories A, B ou C (en grande majorité) selon les communes. 70 % des répondants à l’étude travaillent plus de 35 heures par semaine, mais seulement la moitié d’entre eux sur une seule commune. L’autre moitié des répondants exercent sur deux communes ou trois communes. «En Haute-Saône, a renchéri la directrice du centre de gestion Carole Tary, sur 541 communes, il y a 266 secrétaires de mairie, dont seulement 60 à temps plein sur une commune. Certaines tournent sur six communes. Et certaines mairies ne demandent que deux heures par semaine… ». Dans ces conditions, difficile de trouver des candidats compétents motivés. 

Tout cela confirme la dernière édition du Panorama de l’emploi territorial qui place les secrétaires de mairie en tête des métiers de la fonction publique territoriale (FPT) les plus en tension. Et le manque d’attractivité général de la FPT détaillé par le rapport Laurent-Icard-Desforges du début de l’année rajoute à la difficulté.
 

Equilibristes politiques

Autre écueil à la fois souligné par l’étude et les participants au colloque : certains maires rechigneraient à recruter ou à faire évoluer des agents plus diplômés qu’eux… «Il y a un équilibre à trouver dans le binôme, constate Sébastien Vignon, entre le fait de ne pas être une simple secrétaire de mairie et de ne pas l’être trop non plus. » En clair, les secrétaires de mairie doivent être une sorte d’équilibristes. Equilibriste vis-à-vis du maire, mais aussi dans la commune où ils exercent : lors des élections, être réputé trop proche de l’ancien maire peut vite conduire à une crise de confiance.

L’isolement est une autre donnée importante. Si un poste de secrétaire de mairie offre de l’autonomie, il est souvent unique dans une commune. Les réseaux locaux (associations ou amicales de secrétaires de mairie, réseau et réunions organisés par l’intercommunalité, échanges avec les secrétaires de mairie des alentours…) jouent alors un grand rôle de soutien pratique au quotidien mais aussi psychologique.

Toutefois, cela n’apparaît sans doute pas encore assez pour pousser les secrétaires de mairie à s’organiser collectivement en vue de revendiquer un véritable statut. L’un des deux syndicats de secrétaires de mairie s’achemine vers sa dissolution, faute d’adhérents…
 

Quelle mutualisation et quel statut ? 

Pour pallier ces difficultés, certaines intercommunalités mutualisent un service commun de 30 secrétaires de mairie comme la communauté de communes Mad & Moselle (48 communes, 20 660 hab., Meurthe-et-Moselle). D’autres intercommunalités organisent des réunions communes des secrétaires de mairie, avec ou sans les directeurs généraux des services. Un modèle qui n’a pas convaincu tout le monde.

« Il n’y a pas de réponse unique. Plutôt que d’opposer les modèles, intercommunalités versus communes, nous devrions plutôt travailler tous ensemble », a suggéré Hélène Guillet, directrice du centre de gestion de Loire-Atlantique et toute nouvelle présidente du SNDGCT depuis son élection le 17 septembre. «Réserve » émise également par Murielle Fabre, secrétaire générale de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, venue présenter les 26 propositions des maires pour revaloriser le métier de secrétaires de mairie. «Les maires se sentent dépossédés. Les centres de gestion ou des groupements d’employeurs peuvent aussi mutualiser des secrétaires de mairie. »

Pour Stéphane Pintre, président sortant du SNDGCT, «il faut trouver des solutions pour les toutes petites communes de 20, 30 ou 40 habitants en leur apportant les outils qui respectent leur souveraineté. On pourrait imaginer un statut des secrétaires de mairie évolutif selon la taille des collectivités ». Ou sur le plan intercommunal, «organiser un binôme collectif avec, d’un côté, une conférence des maires et, de l’autre, une gouvernance technique composée des DGS et secrétaires de mairie », imagine Dominique Garnier, secrétaire général de l’ADGCF. Reste maintenant à effectivement mettre en œuvre des solutions. Car il y a urgence pour les maires.

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Bénédicte Rallu
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