Interco et territoires
25/08/2022
Emploi Environnement Intercommunalité Tourisme

Tourisme de montagne : cap sur la diversification

Alors que s'ouvre la seconde vague de crédits du fonds « Avenir Montagnes », les élus réclament plus de moyens pour diversifier l'offre d'activités et bâtir un nouveau modèle économique.

La Covid a laissé des traces. La décision du gouvernement de maintenir fermées l’ensemble des remontées mécaniques durant l’hiver 2020-2021 a durablement bousculé tout l’écosystème des vallées de montagne. Même si les mesures financières du plan de soutien (5,4 Mds€ d’aides d’urgence) ont permis aux exploitants et commerçants de compenser le manque à gagner, cette crise sanitaire a définitivement fait prendre conscience du nécessaire changement structurel de modèle économique des stations de ski, surtout celles situées en moyenne montagne dont l’enneigement est de moins en moins garanti en raison du réchauffement climatique. Un enjeu de taille pour les 350 stations de ski françaises qui représentent 120 000 emplois directs ou indirects et un poids économique de plus de 10 milliards d’euros.

En mai 2021, l’État annonçait donc son plan Avenir Montagnes pour aider les territoires à construire un nouveau modèle touristique, plus diversifié et plus durable. Prévu sur deux ans, ce plan est doté d’un fonds de 150 M€ de crédits d’investissement auxquels s’ajoutent 150 M€ financés par les régions, plus 31 M€ consacrés à l’accompagnement en ingénierie. Avec trois objectifs : favoriser la diversification de l’offre et la conquête de nouvelles clientèles ; accélérer la transition écologique des activités touristiques de montagne ; dynamiser l’immobilier de loisirs et réduire le nombre de «lits froids ».

Avec la seconde vague d’investissements annoncée début mars, ce sont 140 territoires qui sont ou vont être ainsi accompagnés au niveau de l’ingénierie, tandis que 145 projets sont ou vont être co-financés, comme la rénovation de la station des Orres (556 hab., Hautes-Alpes), classée au patrimoine remarquable du XXe siècle et où le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, était venu faire le point du plan Avenir Montagnes, le 5 mars. Le 29 juin dernier, l’Agence nationale de cohésion des territoires a dévoilé les 30 nouveaux lauréats de ce plan.
 

Ingénierie et investissement  

Salué par tous les élus, le plan suscite néanmoins de nombreuses critiques. «La montagne s’interroge depuis longtemps sur son avenir. Ce plan est d’autant plus bienvenu qu’il finance à la fois l’ingénierie et l’investissement, et qu’il permet de financer jusqu’à la moitié du coût d’un projet. Mais il faudrait que l’effort soit durable en pérennisant ces fonds, par exemple en les intégrant au contrat de plan État-région (CPER) », fait valoir Jeanine Dubié, ancienne députée des Hautes-Pyrénées et présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM).

« On attendait un véritable “plan ­Marshall” pour restructurer l’économie de la montagne, qui pèse environ 11 Mds€. Avec 300 M€, on est loin du compte et clairement pas à la hauteur des enjeux », commente, de son côté, Cédric Vial qui dénonce par ailleurs un plan trop ouvert (8 617 communes concernées) et pas assez concentré sur les stations de ski. «Ce n’est pas en finançant la pose de poteaux de piquetage pour limiter l’impact de la fréquentation touristique sur le développement des roselières du lac d’Aiguebelette, près de Chambéry, que l’on va sauver la montagne ! », fustige le sénateur de Savoie et conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Pour autant, Avenir Montagnes n’en reste pas moins une formidable opportunité – avec même parfois un effet d’aubaine – pour certains territoires. Le dispositif est ainsi tombé à point nommé pour accélérer l’ingénierie déployée à l’échelle du Pays du Haut-Doubs (6 communautés de communes, 79 communes, 52 000 hab., avec la station de ski Métabief) pour imaginer un futur modèle touristique non exclusivement dépendant de la neige. «Cela nous a permis de doubler l’effectif en recrutant un second chef de projet pour renforcer la réflexion avec toutes les parties prenantes », détaille Olivier Erard, chef de projet transition-ingénierie.

Selon les modèles de prévisions climatiques, beaucoup de stations de ski de moyenne montagne seront confrontées au manque de neige d’ici à une dizaine d’années. La menace dépend à la fois de l’altitude, mais aussi de la situation géographique et de l’orientation des pistes. À une logique de reconversion à laquelle les élus s’opposent se ­substitue plutôt une politique de diversification complémentaire ou l’activité de ski.

Chaque cas est différent et appelle une réflexion locale. Mais les innovations pré­sentées au dernier salon Montain ­Planet prouvent que des solutions alternatives existent en matière de développement économique pour la montagne.
 

Vers un tourisme de «  quatre saisons » ?

Dans les Pyrénées, on réfléchit ainsi à valoriser la dimension santé et bien-être du thermalisme (jusqu’ici associé à la cure médicale) pour attirer un nouveau type de clientèle. Reste à trouver le bon modèle économique…

Car sur le plan des retombées économiques (6 € de retombées pour 1 € de forfait), l’activité ski de piste reste imbattable pour les stations. «On doit prendre un virage sans pour autant renoncer au ski, qui continue de faire le succès de la montagne comme l’a prouvé la très forte fréquentation des stations cet hiver, préconise Fabrice Pannekoucke, maire de Moûtiers (3 954 hab.,Savoie), président de la communauté de communes Cœur de Tarentaise (6 communes, 9 185 hab.) et conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes.

Il ne faut pas oublier que c’est grâce au ski qu’on aménage, embellit et sécurise la montagne. » Les associations d’élus se mobilisent en tout cas pour promouvoir l’attractivité de la montagne.

Dans un Livre blanc publié en mars, l’ANEM propose notamment un nouveau classement «station climatique » dédié à celles qui proposent une offre autour du «bien-être ». Les maires des stations des montagnes (ANMSN) insistent pour que l’état et les régions améliorent l’offre de transport en train pour optimiser la fréquentation des stations. «Il y a un vrai défi à relever si l’on veut maintenir de l’activité et de la vie dans les communes de moyenne montagne. Car avant d’être des stations de ski, il s’agit de villages », résume Antoine Dénériaz, conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes. Parole d’un ancien champion olympique de descente.
 

Trois dispositifs d'appui
Avenir Montagnes est principalement déployé par les commissariats de massif, relais territoriaux de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). En particulier au niveau des deux principaux dispositifs d’appui en ingénierie (16 M€) et en mobilité (10 M€) prévus par le plan.

Sur la base d’une aide forfaitaire de 60 000 € et d’un chef de projet dédié, le premier dispositif (Avenir Montagnes Ingénierie) accompagne les lauréats dans la conception et la mise en œuvre de leurs projets de transition vers un tourisme plus durable et plus diversifié.

Le deuxième (Avenir Montagnes Mobilités) finance jusqu’à 50 % et dans la limite de 200 000 € les projets durables et innovants en matière de mobilités. Ce deuxième dispositif est ouvert à la fois aux collectivités et autorités organisatrices des mobilités, ainsi qu’à leurs partenaires privés.

Un troisième volet, doté de 5 M€ et piloté par Atout France (agence de développement touristique de la France), vise à accompagner en ingénierie, jusqu’à 100 000 €, les stations de montagne pour la rénovation de leur parc immobilier de loisirs.

 

TÉMOIGNAGE
Robert Casadebaig, maire de Laruns
(1 208 hab., Pyrénées-Atlantiques)
« Notre avenir passe par
la diversification »
« L’ancien délégataire de la ­station d’Artouste voulait faire une “usine à ski”. La commune a repris sa gestion en régie dans l’optique d’accélérer l’évolution de la station vers un tourisme quatre saisons. Nous avons donc décidé de ne pas investir pour produire de la neige de culture et de seulement maintenir ou renouveler les équipements existants, tout en développant d’autres activités.

Nous avons la chance d’avoir un train touristique historique qui attire 100 000 personnes par an auxquelles nous voulons proposer d’autres activités.

Notre avenir passe par une diversification, avec le défi de faire vivre Artouste toute l’année. Plusieurs projets d’envergure sont en cours : une piste de ski synthétique, deux tyroliennes, des luges sur rails. L’ensemble représente un coût ­d’investissement d’environ 6 M€, ce qui n’est même pas le prix d’un petit télésiège débrayable…

Ces investissements sont inscrits à la seconde vague du plan Avenir Montagnes de cette année et nous espérons bien être accompagnés financièrement. »

 

Lire aussi l'article de Maires de France :

Thierry Butzbach
n°403 - JUILLET-AOÛT 2022