De la prévention…
La lutte commence par la prévention. « Il faut refaire des pancartes «Dépôts des déchets interdits », prendre une délibération pour rappeler l’interdiction. Ainsi, le contrevenant ne peut plus plaider l’ignorance… », conseille Sylviane Oberlé. Faut-il permettre un accès gratuit des professionnels aux déchetteries ? À Poissy, où le coût de prise en charge va de 4 à 31 € le m3 selon la nature des déchets, Karl Olive est contre : « Il n’y aura pas moins d’incivilités : il faut juste faire appliquer les règles. » Pour Guy Geoffroy, « la gratuité n’empêchera pas les dépôts sauvages ». C’est sûr pour les professionnels non déclarés… Jean-Yves Menou, président du Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l’élimination des déchets, Ouest d’Armor (Smitred, Côtes-d’Armor), n’est pas de cet avis : «Nous n’avons plus de dépôts sauvages (sauf près des déchetteries) depuis 2006. » Après le tollé des artisans et les difficultés du contrôle d’accès, le Smitred a rendu l’accès des déchetteries gratuit pour les artisans, sous condition de tri. Mais quid du financement ? «Pour l’instant, à Combs-la-Ville, en partenariat avec la Fédération française du bâtiment de l’Essonne, nous incitons les habitants à recourir aux entreprises identifiées déposant leurs déchets dans notre déchetterie », note le maire Guy Geoffroy. Jean-Yves Menou réclame, lui, une obligation d’anticiper le traitement des déchets dans les marchés publics en intégrant les coûts.
… à la coercition
Le retour à l’envoyeur est pratiqué par certaines collectivités mais elle est risquée. À Poissy, Karl Olive a agi ainsi par deux fois en 2018, avec la police municipale et les services techniques. Mais «c’est alors la collectivité qui fait la faute », selon Sylviane Oberlé, et peut s’exposer à des sanctions pour… dépôt sauvage. Pascal Thévenot, maire de Vélizy-Villacoublay (78), a eu de la chance. En 2018, après avoir identifié par vidéo-surveillance un particulier déposant des gravats sur un chantier de la ville, le maire, reçu par l’épouse du fautif, a, avec un adjoint et trois policiers municipaux, redéposé les déchets chez le fautif. L’époux a porté plainte pour violation de domicile et… dépôt sauvage. « Il y a eu non lieu parce que le plaignant a groupé dépôt sauvage et violation de domicile. Or, il n’y a pas eu violation de domicile, l’épouse ayant accepté le retour des déchets. Mais y aurait-il eu non-lieu si la plainte n’avait concerné que le dépôt sauvage ? », s’interroge Sylviane Oberlé.
Autre solution adoptée à La Chapelle-Heulin (44) : proposer au contrevenant, en alternative à une amende, un travail d’intérêt général (TIG). «Mieux vaut dire travail pour la collectivité que TIG, peine pénale que seul un juge peut prononcer », conseille Sylviane Oberlé. Cette négociation amiable, sans base juridique, sensibilise et peut être une alternative contre une personne sans grands moyens.
Les collectivités peuvent aussi appliquer des sanctions administratives et pénales. La voie administrative (art. L. 541-3 du Code de l’environnement) est laborieuse : constat remis au contrevenant, observations éventuelles de ce dernier, mise en demeure, consignation des sommes reçues et, si non évacuation du dépôt, enlèvement d’office, amende ou astreinte administrative…
Depuis une délibération du 14 mai 2018, Poissy recourt à une procédure d’enlèvement d’office : 150 E l’intervention, avec majoration de 100 % les week-ends et jours fériés et de 15 € par tranche de 100 litres de déchets. « Nous avons 20 % d’interventions en moins par rapport à 2018 », apprécie Karl Olive.
La procédure pénale par dépôt de plainte ou transmission du procès-verbal (PV) de constat auprès du procureur de la République donne souvent lieu à des classements sans suite, et elle est longue (jusqu’à un ou deux ans). De quoi préférer les amendes forfaitaires à la suite d’un PV établi par un policier municipal, gendarme, agent de collectivité assermenté…
(1) www.amf.asso.fr (réf. BW39563).
Il existe 3 types de dépôts sauvages.
• Le dépôt contraire au règlement de collecte. Compétence : l’EPCI chargé de la collecte établit les règles ; le maire les fait appliquer.
• Le dépôt sauvage diffus. Compétence : le maire ou, à défaut, le préfet.
• Le dépôt sauvage concentré. Compétence : le préfet.
Nouvelles mesures
Le gouvernement a annoncé, le 6 septembre, qu’une nouvelle filière « pollueur-payeur » allait être créée au 1er janvier 2022 pour le secteur du bâtiment qui génère 42 millions de tonnes de déchets par an. Parmi les mesures annoncées correspondant à des demandes de l’AMF : la création d’un système de traçabilité des déchets, de leur parcours et de leur destination finale, et celle d’un « observatoire national de la gestion des déchets ». Des caméras de vidéo-surveillance pourraient être installées pour prévenir les dépôts sauvages. Ces mesures sont débattues dans le cadre du projet de loi « anti-gaspillage pour une économie circulaire » discuté actuellement au Parlement.
En savoir +
• Rapport de l’Ademe «Caractérisation de la problématique des déchets sauvages », février 2019. www.ademe.fr
• Un forum « Dépôts sauvages : lutter plus efficacement contre les comportements inciviques », se tiendra le 20 novembre dans le cadre du 102e Congrès de l’AMF. www.amf.asso.fr
• Lire la fiche « Prévenir et sanctionner les dépôts sauvages », Maires de France, n° 361, octobre 2018.
Contraventions
• Art. R610-5 et art. 131-13 du Code pénal.
• Amendes forfaitaires : art. R632-1, R644-2, R633-6 du Code pénal.
• Contravention de 5e classe si dépôt sauvage hors emplacements prévu et à l’aide d’un véhicule (1 500 €) (art. R635-8 du Code pénal).