« Il est urgent de corriger le tir car la réhabilitation des friches nécessaires pour limiter les nouvelles constructions et les opérations de renaturation compensant l’artificialisation seront difficilement rentables sans aides publiques », a souligné Jean-Baptiste Blanc. L’État doit donc mettre en place des outils financiers qui permettront aux élus d’atteindre le seuil intermédiaire fixé d’ici à 2031 par le législateur (une consommation foncière inférieure de moitié à celle des dix années précédentes), puis le ZAN en 2050. Le temps presse alors que les élus locaux doivent définir leurs objectifs en la matière d’ici octobre prochain, lesquels figureront ensuite dans les documents de planification (Sraddet, Scot et PLU-PLUI).
Les sénateurs proposent la pérennisation du fonds friches mis en place par l’État en 2020 et ré-abondé en 2021 et 2022, «et son extension à l’ensemble des terrains sur lesquels la construction peut se faire sans artificialisation ou avec une artificialisation très limitée n’entraînant pas d’extension urbaine » (friches, «dents creuses », réhabilitation de logements vacants…). La dotation budgétaire affectée aux établissements publics fonciers (EPF) d’État et locaux, «doit être pérennisée et renforcée afin que les EPF soient les bras armés d’une véritable politique de maîtrise publique du foncier », déterminante pour mener des projets de «recyclage urbain » et juguler «les initiatives privées accaparant du foncier » .
Les sénateurs estiment aussi que l’objectif ZAN nécessite une «refondation de la fiscalité locale » qui doit être «réorientée de manière majoritaire, mais non exclusive, vers les opérations tendant à la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction) ». La commission des finances du Sénat va saisir le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) pour explorer les possibilités en la matière. Pour inciter les élus à privilégier la sobriété foncière, le rapport préconise également d’adapter le versement des dotations de l’État aux collectivités (DETR et DSIL notamment) à la réalisation du ZAN. Idem pour le versement des aides à la pierre apportées par le fonds national (FNAP) pour la construction de logements sociaux. L’État devrait aussi selon eux affecter à la réalisation d’actions menées en vue de l’atteinte de l’objectif ZAN le surplus du produit des ventes de quotas carbone qu’il perçoit.
Au-delà des financements, l’État doit aussi accompagner les élus sur le terrain, estiment les sénateurs qui pointent l’absence d’interlocuteurs dédiés au ZAN. Ils préconisent donc la mise en place d’un «guichet unique regroupant les moyens de l’État qui apportera un soutien en ingénierie aux collectivités et un financement sur le long terme » adaptés aux spécificités territoriales et permettant la réalisation du ZAN. Mais à ce stade, ils ne précisent pas la structure porteuse ni l’échelle territoriale de ces guichets (départementale ? régionale ?). Sur le terrain, l’État, via ces guichets uniques, devrait selon eux privilégier un «dispositif contractuel » avec les collectivités pour les aider à réaliser les objectifs du ZAN via des conventions pluriannuelles «fixant une trajectoire sur le modèle de la contractualisation mise en place pour atteindre la réalisation des logements sociaux en application de la loi SRU » , a illustré Jean-Baptiste Blanc.
Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, n’a pas exclu le dépôt, «à l’automne », d’une proposition de loi reprenant les préconisations du rapport dont certaines pourraient aussi être votées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (pérennisation du fonds friches, notamment).
Au passage, elle a étrillé le gouvernement qui, sous la précédente mandature, «a publié des textes règlementaires sur le ZAN totalement orthogonaux avec les dispositions que nous avions votées en commission mixte paritaire ». La sénatrice des Yvelines a notamment fait référence aux deux textes du 29 avril sur lesquels l’AMF a déposé un recours devant le Conseil d’État : l’un sur les objectifs et règles générales du SRADDET et l’autre sur la nomenclature de l'artificialisation des sols. Publiés «dans la précipitation, sans étude d’impact, après deux avis défavorables du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), dans une approche de recentralisation rigide » , ces textes risquent de provoquer des contentieux car ils «fragilisent juridiquement les documents de planification (SCOT, PLU) » , selon l’AMF.