Alain Vasselle, maire d’Oursel-Maison (250 hab., Oise), président de l’Union des maires de l’Oise, a donc écrit aux présidents d’EPCI du département pour qu’ils sollicitent les communes de leur périmètre afin qu’elles fassent remonter leurs besoins en consommation foncière sur dix ans. Objectif : arriver à la prochaine conférence des SCoT avec un état des lieux précis. «Si personne ne bouge, c’est la région qui décidera à travers le Sraddet », justifie-t-il.
Avec le risque de ne pas tenir compte des spécificités locales. Le scénario du pire étant que la conférence des SCoT ne s’autorise pas à arbitrer en se cachant derrière le Sraddet, qui lui-même se cachera derrière la conférence. Avec finalement une réduction de 50 % sans nuance. «Les régions sont conscientes que le sujet est explosif politiquement, reconnaît Jules Nyssen, délégué général de Régions de France. Il faudra être certain que s’il y a un accord avec le SCoT, il y a aussi un consensus à l’échelon dessous ». Car cet édifice doit se traduire dans les PLU-i.
Les contraintes s’annoncent nombreuses et les arbitrages délicats. La crainte partagée par nombre d’élus ruraux est de voir leur territoire servir de «variable d’ajustement », à l’instar des élus de la Meuse qui font valoir que les travaux en région Grand Est n’abordent pas assez les enjeux du rural.
Dans l’Oise, par exemple, un site d’enfouissement des déchets demande une extension de 40 ha. Si l’État l’accepte, la commune peut renoncer à ses projets de logement et d’équipement public. La question des projets d’envergure nationale est sensible, tel le canal Seine-Nord qui consommera 2 300 ha sur les 8 100 ha prévus par le SCoT des Hauts-de-France. La territorialisation à l’échelle d’un SCoT n’est pas toujours pertinente.
Comment réduire la mobilité pendulaire vers l’Île-de-France si les collectivités de l’Oise limitrophes ne peuvent créer des zones d’activités ? «Il faudrait une compensation de l’Île-de-France au profit de l’Oise pour les besoins qui viennent de la région parisienne », propose Alain Vasselle. Une problématique soulevée autour de la plupart des métropoles. Comment concilier obligation de construire des logements sociaux en réduisant l’artificialisation lorsque le foncier est déjà contraint ?
Enfin, le leitmotiv : les communes ayant le moins urbanisé ces dix dernières années risquent d’être pénalisées lors du calcul des 50 % d’artificialisation. «C’est la quadrature du cercle », lâche le président de l’Union des maires de l’Oise. D’autant plus que la menace de sanctions de l’État en cas de non-application de la règle plane sur les collectivités. Comment mettre toutes les chances de son côté ? Tout d’abord, en étant présent dans les instances de concertation. Où, comme le suggère Alain Vasselle, en transmettant ses propositions à l’AD. Ensuite, ces propositions doivent elles-mêmes être le plus détaillées possible.
Chaque commune doit estimer ses besoins en matière de consommation effective d’espaces (expression encore usitée jusqu’en 2031) et, à compter des dix prochaines années, en matière d’artificialisation des sols (ce qui renvoie à la question non traitée à ce jour des modalités de compensation), les justifier en fonction de critères prévus par la loi : besoin en logement social, développement des territoires ruraux, prise en compte de projets d’envergure nationale ou d’intérêt communal ou intercommunal. C’est un travail qui demande une méthodologie pas encore bien élaborée.
Avec la fin de l’extension urbaine sur les zones agricoles, il s’agit de recenser toutes les possibilités foncières : dents creuses, surélévations, réemploi et transformation, friches, nouvelles formes urbaines et architecturales, zones à renaturer, densité acceptable… Pour estimer leur potentiel foncier, les collectivités devront se livrer à un véritable travail de fourmi.
Tout ceci demande une ingénierie qui n’est pas à la portée de toutes les communes. Une circulaire du 07/01/2022 demande aux préfets « d’accompagner les élus dans la territorialisation de l’objectif ». Mais ceux-ci craignent un manque de moyen ou des pressions pour aller au-delà des objectifs. Carole Ropars rapporte ainsi le cas d’un EPCI membre d’un SCoT qui allait déjà au-delà de 50 % de réduction avant la promulgation de la loi, à laquelle l’État a pourtant demandé d’aller plus loin.
« Cela interroge totalement le projet de territoire. On parle de densification depuis longtemps. Maintenant, nous n’avons plus le choix », conclut Christian Parsy, directeur du SCoT de l’Arrageois.
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