Dans la « contribution » intitulée Libertés et responsabilités locales, faire le choix de l’action et de la confiance, publiée début mars, l’AMF demande en effet bien plus qu’un simple engagement au chef de l’État. Elle veut une coproduction de l’action publique avec l’exécutif via la signature d’un «pacte de confiance » avec les collectivités, «qui se décline à tous les niveaux, jusqu’au sous-préfet d’arrondissement ». Autrement dit, si le locataire de l’Élysée a «besoin » des élus, ces derniers n’entendent pas être des «supplétifs » que le président de la République sollicite uniquement en cas de crise (gilets jaunes, épidémie…), et encore moins des «sous-traitants de ses politiques publiques », soulignent de concert David Lisnard et André Laignel, président et 1er vice-président délégué de l’AMF.
Emmanuel Macron dit dans sa lettre avoir «besoin » des élus pour «déployer un pacte productif » en faveur de la croissance, «organiser notre planification écologique », développer les services publics (lutte contre les déserts médicaux, éducation, notamment), «assurer l’ordre républicain » et favoriser l’insertion et l’emploi. Il s’engage pour cela à garantir leurs «capacités financières ».
Or c’est bien sur le plan financier que le premier «clash » pourrait survenir entre le chef de l’État et les élus. D’une part, le «pacte productif » souhaité par Emmanuel Macron devrait entraîner «la suppression de la CVAE pour toutes les entreprises », et «sera compensée à l’euro près », selon son document de campagne électorale. Soit 7 milliards d’euros d’impôts en moins pour les collectivités qui, même compensés (et comment ?), entameront un peu plus l’autonomie fiscale des collectivités après la suppression de la taxe d’habitation. D’autre part, la réactivation d’une contractualisation avec les collectivités pour les contraindre à «maîtriser » leurs dépenses de fonctionnement est loin d’être exclue. Le candidat Macron a en effet parlé d’un effort de «20 milliards » par une «trajectoire de réduction des coûts de fonctionnement sur l’ensemble de nos collectivités publiques ». Un chiffre a été confirmé, avant le premier tour, par Laurent Saint-Martin, député LaREM, lors de son audition, le 22 mars, devant France urbaine et Intercommunalités de France : «C’est effectivement un effort de 10 milliards sur la progression des finances locales que nous attendons des collectivités ».
Dans une lettre ouverte adressée au président sortant, publiée le 22 avril par Figaro Vox, le président de l’AMF, David Lisnard, estime que «l'annonce des prélèvements de 10 milliards d'euros est vécue [par les collectivités] comme une sanction injustifiée » alors qu’elles «ont déjà été ponctionnées de manière significative - pour plus de 46 milliards d'euros depuis 2014 - au motif qu'elles devaient contribuer à un ‘’redressement des comptes publics’’ dont on n'a pas vu la réalité ».
Enfin, pour soutenir le pouvoir d’achat, priorité de ce second mandat, le gouvernement sortant avait annoncé l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires, ce qui pèsera directement sur les budgets locaux déjà fragilisés par la hausse des prix de l’énergie sans que l’État ne débloque une aide en faveur des collectivités.
Autant de mesures qui semblent battre en brèche le «pacte financier sur la durée de la législature » avec l’État que l’AMF demande dans sa contribution. Celui-ci reposerait sur le principe «qui décide paie, qui paie décide », une juste compensation des charges transférées aux collectivités et… l’absence d’une contractualisation imposée, comme ce fut le cas avec les contrats de Cahors encadrant la dépense locale. L’AMF demande aussi «une réforme fiscale d’ensemble » – elle propose «qu’à chaque niveau de collectivité corresponde un impôt » –, et une «réforme des dotations », que le candidat Macron s’est engagé à «sanctuariser » dans sa lettre aux maires, sans plus de précision.
Le volet institutionnel de la mandature nécessitera aussi quelques «ajustements » entre les parties. Dans sa lettre aux élus, le candidat Macron veut engager, en concertation avec eux, «une nouvelle étape de la simplification territoriale » autour de plusieurs «idées » : création du «conseiller territorial » fusionnant les conseils régionaux et les conseils départementaux, sans que l’on sache s’il s’agit uniquement des assemblées délibérantes ; poursuite de la «différenciation » territoriale via «une organisation à la carte, adaptée à la réalité de chaque territoire, avec la possibilité ici de supprimer un échelon, ailleurs d’en modifier le périmètre » ; spécialiser – «à une compétence ou une mission doit correspondre un responsable » - et «territorialiser davantage des compétences de la vie quotidienne, comme le logement » ; «aller plus loin dans la définition d’un pouvoir règlementaire local ».
Le chef de l’État compte-t-il inclure ces sujets dans le cadre de la révision constitutionnelle qu’il souhaite engager et/ou dans un autre texte ? Dans sa contribution, l’AMF plaide en tout cas pour «la constitutionnalisation de la clause générale de compétence de la commune et le rappel de l’action du maire au nom de l’État ». Elle demande que la sobriété règlementaire et la simplification administrative soient la priorité du mandat. Et souhaite l’adoption d’une «vraie loi de défense des libertés locales », donnant «un nouveau souffle à la décentralisation » à la différence de la récente loi 3DS du 21 février 2022, jugée utile mais technique. Ce futur texte doit notamment entériner le principe de la «subsidiarité ascendante ». Objectif, favoriser une «prise de décision à l’échelon le plus proche des habitants » et garantir ainsi l’efficacité des services publics de proximité. Un principe qui doit notamment s’appliquer dans le domaine de la transition écologique, du logement et du développement économique, souligne l’AMF.