Europe
12/04/2022
AMF Europe

Cohésion. Les acteurs locaux veulent être partie prenante

Un rapport plaide pour que la prochaine politique de cohésion soit davantage territorialisée, avec le soutien de la présidente de la Commission.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, appelle « les acteurs locaux à réfléchir à ce qu'ils veulent que leur région soit dans dix ans ».
Quelle politique de cohésion après 2027 ? À peine lancée la programmation 2021-2027, la réflexion sur les enjeux de la future politique européenne s’est invitée aux débats lors du Forum sur la cohésion qui s’est tenu à Bruxelles, les 17 et 18 mars. Avec ce vibrant appel de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen : «  Go local ! » «Les acteurs locaux, les maires, les administrations régionales sont ceux qui savent le mieux ce dont les citoyens ont besoin. Nous devrions donc les placer plus au centre encore de notre processus décisionnel et les impliquer à chaque étape, de l’élaboration des programmes à leur mise en œuvre sur le terrain. Les acteurs locaux doivent réfléchir dès maintenant à ce qu’ils veulent que leur région soit dans dix ans. Et bâtir leurs propres plans », a déclaré l’Allemande.  

À la suite de l’intervention de la présidente de la Commission, c’est Joël Giraud, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, qui a appelé à mieux prendre en compte la diversité territoriale. «Cette diversité rend très difficile une approche “ top down” et nous invite à promouvoir la gouvernance multi-niveaux. (…) On ne peut pas oublier les territoires, ils contribuent tous à notre dynamisme. Personne ne doit se sentir abandonné en Europe. »
 

Stratégies territorialisées


Une allusion à cette «  géographie du mécontentement » mise en avant dans un rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union européenne (UE), adopté en février, qui a nourri les débats du forum. Si les régions les moins développées de l’UE ont entamé leur processus de rattrapage, un certain nombre d’entre elles connaissent une stagnation – c’est notamment le cas en France – qui alimente un mécontentement croissant chez les citoyens, renforcé encore par le sentiment de ne pas être entendus. Sentiment par ailleurs largement répandu dans les zones rurales : selon les enquêtes Eurobaromètres les plus récentes, les habitants de ces zones sont les plus susceptibles de penser qu’ils ne sont pas écoutés et, dès lors, de se méfier de l’UE.

Principal enjeu : la future politique de cohésion devra améliorer l’efficacité des stratégies territorialisées. «  La nécessité de compléter les politiques structurelles nationales par des stratégies territorialisées est de plus en plus largement reconnue », indique le rapport, qui rappelle l’importance de s’appuyer sur «  les atouts locaux ». D’autant, insiste-t-il, que les transitions écologiques et numériques nécessiteront des changements structurels majeurs qui risquent de créer de nouvelles disparités régionales.

«  Sans vision territoriale claire de la manière de gérer ces processus », le nombre de personnes qui ont le sentiment que les incidences sur leur quotidien ne sont pas prises en considération et qui estiment ne pas être suffisamment écoutées risquent de s’accroître et d’attiser encore ce mécontentement.

Autre enseignement, mis en évidence par la commissaire à la politique régionale, Elisa ­Ferreira, lors de ce forum : le fossé rural-urbain, qui peut tourner au «  piège à développement » avec une tendance à la concentration de la croissance dans les grandes villes et les régions capitales. En 2020, 62 % de la population rurale vivait dans une région en déclin, contre seulement 15 % de la population urbaine.

Large écart aussi au niveau de l’éducation et des compétences, les citadins étant davantage susceptibles de participer à des formations et de posséder de solides compétences numériques. Pourtant, le rapport sur la cohésion note que la satisfaction globale à l’égard de la vie dans l’UE est identique dans les villes, les banlieues et les zones rurales. Dans le nord-ouest de l’Europe, et en France notamment, les populations rurales sont même plus satisfaites de leur vie que celles des villes – c’est l’inverse en Europe de l’Est. Autre piste de réflexion pour la future politique de cohésion : renforcer les liens entre les zones urbaines et rurales et travailler sur le rôle des plus petites villes dans le soutien aux zones rurales.

Le défi démographique touchera toutes les régions, mais les régions rurales d’abord. Les aider à y faire face est déjà répertorié comme un enjeu pour la future politique de cohésion. Selon le rapport, la population âgée de 65 ans et plus devrait augmenter de plus de 25 % dans une région sur cinq au cours de la prochaine décennie. La population en âge de travailler devrait diminuer de plus de 10 % dans une région sur quatre. Et la population des moins de 20 ans devrait baisser de plus de 10 % dans une région sur trois.

 

Le Manifeste de Marseille
L’adoption d’un «  programme rural européen tourné vers l’avenir » figure dans un manifeste en douze points adopté par les acteurs locaux lors du Sommet européen des villes et régions, qui s’est déroulé dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, les 3 et 4 mars, à Marseille.

Il s’agit d’améliorer «l’intégration des zones urbaines et rurales et [d’ouvrir] la voie à une revitalisation durable des territoires ruraux », dit le manifeste. Il demande que la fonction consultative du Comité européen des régions (CdR) soit réévaluée pour lui permettre de jouer un rôle contraignant dans des domaines d’action précis «présentant une dimension territoriale ».

Le CdR pourrait aussi participer aux négociations entre le Parlement européen et le Conseil des ministres (les États) sur les propositions législatives de l’UE, indique encore le manifeste, qui rejoint les contributions à la Conférence sur l’avenir de l’Europe.

 

Isabelle Smets
n°400 - AVRIL 2022