Une allusion à cette « géographie du mécontentement » mise en avant dans un rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union européenne (UE), adopté en février, qui a nourri les débats du forum. Si les régions les moins développées de l’UE ont entamé leur processus de rattrapage, un certain nombre d’entre elles connaissent une stagnation – c’est notamment le cas en France – qui alimente un mécontentement croissant chez les citoyens, renforcé encore par le sentiment de ne pas être entendus. Sentiment par ailleurs largement répandu dans les zones rurales : selon les enquêtes Eurobaromètres les plus récentes, les habitants de ces zones sont les plus susceptibles de penser qu’ils ne sont pas écoutés et, dès lors, de se méfier de l’UE.
Principal enjeu : la future politique de cohésion devra améliorer l’efficacité des stratégies territorialisées. « La nécessité de compléter les politiques structurelles nationales par des stratégies territorialisées est de plus en plus largement reconnue », indique le rapport, qui rappelle l’importance de s’appuyer sur « les atouts locaux ». D’autant, insiste-t-il, que les transitions écologiques et numériques nécessiteront des changements structurels majeurs qui risquent de créer de nouvelles disparités régionales.
« Sans vision territoriale claire de la manière de gérer ces processus », le nombre de personnes qui ont le sentiment que les incidences sur leur quotidien ne sont pas prises en considération et qui estiment ne pas être suffisamment écoutées risquent de s’accroître et d’attiser encore ce mécontentement.
Autre enseignement, mis en évidence par la commissaire à la politique régionale, Elisa Ferreira, lors de ce forum : le fossé rural-urbain, qui peut tourner au « piège à développement » avec une tendance à la concentration de la croissance dans les grandes villes et les régions capitales. En 2020, 62 % de la population rurale vivait dans une région en déclin, contre seulement 15 % de la population urbaine.
Large écart aussi au niveau de l’éducation et des compétences, les citadins étant davantage susceptibles de participer à des formations et de posséder de solides compétences numériques. Pourtant, le rapport sur la cohésion note que la satisfaction globale à l’égard de la vie dans l’UE est identique dans les villes, les banlieues et les zones rurales. Dans le nord-ouest de l’Europe, et en France notamment, les populations rurales sont même plus satisfaites de leur vie que celles des villes – c’est l’inverse en Europe de l’Est. Autre piste de réflexion pour la future politique de cohésion : renforcer les liens entre les zones urbaines et rurales et travailler sur le rôle des plus petites villes dans le soutien aux zones rurales.
Le défi démographique touchera toutes les régions, mais les régions rurales d’abord. Les aider à y faire face est déjà répertorié comme un enjeu pour la future politique de cohésion. Selon le rapport, la population âgée de 65 ans et plus devrait augmenter de plus de 25 % dans une région sur cinq au cours de la prochaine décennie. La population en âge de travailler devrait diminuer de plus de 10 % dans une région sur quatre. Et la population des moins de 20 ans devrait baisser de plus de 10 % dans une région sur trois.