Force est de constater que, depuis le début de la guerre, les réfugiés en provenance d’Ukraine ont essentiellement rejoint la France parce qu’ils avaient des contacts dans l’Hexagone et non grâce à la mise en place de transports organisés par la France. Après un mois de guerre, plus de 15 000 réfugiés étaient arrivés, concentrés essentiellement en Île-de-France, dans les Alpes-Maritimes et dans la région de Strasbourg, les maires découvrant au fil de l’eau les arrivées.
Le réseau des préfectures, en lien avec la cellule interministérielle de crise (CIC) activée par l’État, le 10 mars, organise les flux d’arrivée et la répartition sur le territoire national en fonction des capacités d’accueil, selon la première version de la « Foire aux questions » (FAQ) sur « la crise en Ukraine » publiée le 21 mars par l’État et présentée comme le « document opérationnel répondant aux questions pratiques » que se posent les collectivités territoriales. Mi-mars, le gouvernement estimait à 100 000 le nombre de réfugiés pouvant potentiellement rejoindre la France.
Au niveau local, les préfets de département sont les «interlocuteurs privilégiés » des élus locaux. Ils doivent informer les maires des arrivées des réfugiés sur leur territoire. Ils coordonnent les différents acteurs du logement et de l’hébergement. Au niveau national, le gouvernement a mis en place une plateforme parrainage.refugies.info qui oriente les bénévoles, les associations, les collectivités et les entreprises qui souhaitent s’engager dans une action liée à l’Ukraine (à la date du 22 mars, il y avait eu 900 000 connexions à la plateforme selon le gouvernement). Les élus doivent y recenser les offres d’accueil, celles-ci étant ensuite examinées au niveau des préfectures des départements.
Fin mars, 88 000 places d’hébergements avaient été recensées. Lors de la première réunion de coordination État/collectivités qui suit chaque réunion de la CIC, Marlène Schiappa, ministre chargée de la Citoyenneté, a mis en garde les élus contre l’accueil des réfugiés ukrainiens chez les particuliers car héberger des gens traumatisés ne s’improvise pas. Elle les a aussi incités à faire remonter toutes les offres d’hébergement par la plateforme.
Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales a annoncé l’appui du réseau des maisons France services (2 055 étaient ouvertes mi-mars) pour aider à l’accueil des réfugiés (informations sur les démarches, sur les acteurs associatifs et administratifs à contacter ; accès à un ordinateur et à Internet, avec un éventuel accompagnement numérique en cas de besoin).
Devant l’engorgement de certains services de préfectures, des collectivités ont pris les devants pour s’organiser autrement. Cannes (06), dont le maire est le président de l’AMF, a, par exemple, obtenu du préfet des Alpes-Maritimes l’ouverture d’une cellule de délivrance des autorisations provisoires pour les réfugiés ukrainiens dans ses locaux. En un seul lieu, les réfugiés présents sur le bassin cannois peuvent effectuer toutes leurs démarches (logement, insertion, école… et donc démarches auprès des services préfectoraux).
Pour l’accueil des enfants dans les écoles, les mairies peuvent prendre contact avec leurs interlocuteurs habituels des services de l’Éducation nationale dans le département, indique la FAQ. Dans chaque académie, une « cellule Ukraine » coordonne l’action des services de l’Éducation nationale. Mi-mars, plus de 2 000 enfants et adolescents ayant fui l’Ukraine étaient scolarisés dans les écoles françaises. Un parcours éducatif spécifique existe pour ces enfants allophones nouvellement arrivés et les mineurs isolés qui leur permet d’apprendre le français et d’avoir une pédagogie adaptée à leurs besoins. « Dans la mesure du possible, les enfants seront accueillis dans ces unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants », baptisées UPE2A, souligne la FAQ.
Pour toutes ces opérations, trouver des traducteurs facilite les échanges. Les collectivités peuvent recenser ceux présents sur leur territoire. À l’heure où nous écrivons ces lignes, toutes les questions ne sont pas encore résolues comme, par exemple, la prise en charge des soins auxquels ont droit les réfugiés d’Ukraine, le remboursement par l’État des dépenses des collectivités pour l’accueil de ces personnes (qui relève d’une compétence de l’État), l’accueil des enfants réfugiés dans le périscolaire, etc. Les logements mis à disposition par une collectivité seraient à la charge de cette dernière (lire Maire info du 28/03).
Sur le plan international, certains maires, touchés par les témoignages de leurs homologues ukrainiens, ont souhaité aller plus loin. Certaines collectivités vont chercher des réfugiés dans les pays limitrophes. La commission Europe de l’AMF a poussé la mise en place de «parrainages de guerre » de collectivités ukrainiennes par des collectivités françaises, selon les termes employés par l’un de ses deux co-présidents, Thibaut Guignard, maire de Ploeuc-L’Hermitage (22).
Cette action « symbolique » doit « aider les Ukrainiens à gagner la guerre de la communication », a-t-il fait valoir. Ces parrainages sont destinés à se transformer en « jumelages de reconstruction » à la fin de la guerre. Dans sa FAQ, l’État rappelle que certes les actions symboliques sont autorisées. Mais il recommande plutôt les aides financières via l’abondement du fonds d’action extérieure des collectivités territoriales (FACECO), les dons en matériels étant déconseillés car posant trop de problèmes logistiques.
A lire aussi: