Pratique
31/03/2022
AMF Écoles, éducation, alimentation Environnement

Cantines scolaires. S'adapter aux évolutions législatives

Répondre aux nombreuses exigences est un défi pour les gestionnaires des cantines. Revue des principales obligations et solutions.

La loi « Egalim » du 30 octobre 2018, la loi « Agec » du 10 février 2020 et la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 imposent de nombreuses règles aux collectivités gestionnaires de restauration scolaire confrontées à une avalanche de nouvelles contraintes. Ceci, dans un contexte où la crise épidémique les a obligées à appliquer les protocoles sanitaires dans les cantines qui pèsent fortement sur les budgets des communes, sans compensation à due concurrence des dépenses engagées, malgré les demandes répétées de l’AMF.
 

I - Des contraintes lourdes

Parmi les nombreuses dispositions de la loi «Egalim », deux d’entre elles méritent d’être mentionnées. La première est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 : l’atteinte d’au moins 50 % de produits issus de filières durables et de qualité, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique, dans les repas servis à la cantine. Sur ce sujet, la loi «Climat et résilience » prévoit que le seuil de 50 % de produits durables et de qualité devra comporter 60 % de viande de qualité à partir de 2024.

La seconde mesure importante de la loi «Egalim » prévoit l’interdiction de l’utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en plastique au 1er janvier 2025 (ou 2028 pour les collectivités de moins de 2 000 habitants). De surcroît, la loi «Climat et résilience » a rendu obligatoire la proposition d’un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines, «avant même le terme de son expérimentation imposée par la loi Egalim, et sans évaluation de cette dernière », déplore Virginie Lanio, adjointe au maire de Meudon (92) et co-présidente du groupe de travail alimentation et restauration de l’AMF. Tout en instaurant une nouvelle expérimentation facultative sur un menu végétarien quotidien ! De son côté, la loi «Agec » du 10 février 2020 prévoit  des mesures pour lutter contre le gaspillage alimentaire et favoriser le don aux associations.

S’il y a consensus sur la volonté de proposer une alimentation plus saine et durable, les élus déplorent la fixation par le législateur d’objectifs très élevés dans des délais courts, sans tenir compte des difficultés pratiques (faiblesse de l’offre de produits répondant aux critères, difficultés d’approvisionnement, interrogation sur la viabilité des contenants alternatifs au plastique...), juridiques (traduction des nouvelles règles de composition des repas dans les cahiers des charges des marchés publics), financières auxquelles les collectivités se trouvent confrontées. Une enquête de l’AMF, réalisée en 2020 sur la restauration scolaire, a montré les difficultés rencontrées par les communes, surtout les plus petites, pour appliquer la loi «Egalim ».
 

II - Les difficultés sur le terrain

La problématique des approvisionnements. En dehors des produits bios, il y a concrètement peu de produits labellisés pouvant entrer dans le décompte des produits issus de filières «durables et de qualité ». Par ailleurs, compte tenu des principes du droit européen d’interdiction de la préférence locale, il reste compliqué de s’approvisionner en produits locaux dans le cadre de marchés publics.

Il existe des solutions (allotissements, sourcing), détaillées dans plusieurs guides : le Vade-mecum de l’AMF, publié dès 2016, encourage les élus qui s’engagent pour développer et préserver l’agriculture locale de qualité dans leurs territoires et mutualise les bonnes pratiques, que les collectivités bénéficient ou non d’un bassin de production. La «boîte à outils des acheteurs publics de la restauration collective » (Localim) du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation propose également des ressources.

Le coût de la transition. Pour contrebalancer le renchérissement des coûts engendré par le bio, il faut compenser par des économies (lutte contre le gaspillage alimentaire, réduction de la part des protéines animales…). Cela suppose inévitablement des changements d’organisation, de pratiques, voire d’infrastructures qui ne sont pas à la portée de toutes les communes, compte tenu des moyens dont elles disposent.

Dans le cadre du plan France Relance, le gouvernement a mis en place un dispositif de soutien financier aux petites communes (lire ci-dessous) mais l’AMF souhaite que les crédits débloqués bénéficient aux collectivités de toute taille. Pour pouvoir recevoir cette aide, les communes en difficulté sont invitées à adresser un dossier de demande à l’Agence de service et de paiement de leur région, chargée de l’instruction des dossiers et du financement des dossiers retenus. Une assistance téléphonique pour le montage des dossiers est mise à la disposition des communes de 13h30 à 17h00 (heure métropole) au numéro suivant : 0809 540 660 (coût d’un appel local).
 

France Relance : des crédits pour les cantines

Pour soutenir les ­cantines scolaires des petites communes, le plan France Relance a mis en place «un dispositif d’aides doté de 43,5 millions d’euros dès le mois de février » 2021, ­précise le gouvernement. Le dispositif, «prolongé jusqu’au 30 juin 2022 », permet notamment l’achat de matériel et d’équipements. Les communes bénéficiaires de la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR) peuvent en bénéficier, de même que les EPCI compétents, etl’ensemble des ­communes et EPCIde la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et de La Réunion.


III - Outils et ressources

La plateforme gouvernementale « Ma cantine » a été lancée début 2022. «Sa vocation est d’outiller les gestionnaires et cuisiniers en restauration collective et de leur fournir une assistance pour atteindre les objectifs fixés », explique Valérie Merle, référente nationale «alimentation et restauration collective » au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

La plateforme donne accès à un ensemble d’outils (plaquettes, guides, modèles de conventions, vidéos, affiches…). À retenir, notamment, les guides des marchés publics pour les acheteurs de la restauration collective en gestion directe (avril 2021, mis à jour à l’automne 2021) ou en prestations de services (novembre 2021).

Des webinaires thématiques sont proposés, un espace blog et témoignages. La plateforme fournit aussi des outils de diagnostic de sa cantine au regard de la loi Egalim et encourage à effectuer la déclaration annuelle de valeurs d’achat de denrées alimentaires entrant dans la catégorie des produits de qualité et durables. Ce dispositif de remontée de données, en cours d’élaboration, permettra à l’administration d’élaborer le bilan statistique annuel prévu par la loi.

« Ceci constitue une charge de travail considérable car les gestionnaires doivent éplucher les factures et remplir des quantités de lignes dans des tableaux excel », souligne Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux (06), co-président du groupe de travail alimentation et restauration de l’AMF (lire ci-dessous). Autres ressources utiles : le bouquet numérique du Centre national de la fonction publique territoriale (vidéos, outils, propositions de formations, témoignages...) et l’opération pilote «Les cantines s’engagent », lancée en 2020 par l’Ademe pour mutualiser les bonnes pratiques de gestion (lire ci-dessous). 
 

AVIS D'EXPERT
Gilles Pérole, adjoint au maire
de Mouans-Sartoux (06), co-président
du groupe de travail alimentation
et restauration de l’AMF
" Les élus ont besoin d'être accompagnés "
« Une évolution aussi rapide des exigences touchant à la restauration scolaire ne pouvait que créer de grandes difficultés pour les collectivités locales gestionnaires. Les élus locaux sont volontaristes sur le sujet, ils connaissent les enjeux, ils avancent de façon pragmatique et adaptée aux possibilités locales, à leurs moyens, malgré un environnement très contraignant. Ces dispositions législatives ne les aident pas, au contraire. Et que dire des méthodes employées ?

La loi «Climat et résilience » du 22 août 2021 rend obligatoire le service hebdomadaire d’un menu végétarien dans les cantines avant l’évaluation de l’expérimentation obligatoire (loi «Egalim » de 2018). Elle prévoit une nouvelle expérimentation facultative sur un menu végétarien quotidien, sans l’aval des premières intéressées : les collectivités.

Ces expérimentations qui, de volontaires, deviennent obligatoires hérissent les élus. Le plus important est de rappeler ce que l’enquête de l’AMF a montré en 2020 : le besoin de plus de mesures d’accompagnement pour aider les gestionnaires à respecter les obligations de la loi «Egalim ». Sur le financement, bien sûr. Mais aussi en matière de structuration des filières locales, de simplification du Code de la commande publique pour faciliter le recours à des producteurs locaux, d’accès à une formation adaptée pour le personnel. »


Lire aussi notre article :

Fabienne Nedey
n°399 - MARS 2022