Juridique
08/03/2022
AMF Décentralisation Parlement

Les principales mesures de la loi " 3DS "

La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale comporte 271 articles. Maires de France mentionne les principaux d'entre eux.

Initialement composé de 84 articles, le texte en compte au final 271 ! Pour autant, son objectif n’est pas d’être la grande loi marquant une nouvelle étape de la décentralisation à laquelle appelaient l’AMF, Régions de France et l’ADF, qui ont réitéré leur souhait en la matière. Il s’agit, plus modestement, de «simplifier l’action locale, différencier les solutions, rapprocher l’État du terrain, lever les freins inutiles et faciliter le quotidien des collectivités et de leurs élus », a dit Jacqueline ­Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.

Le gouvernement s’est engagé à publier les décrets d’application dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Maires de France présente les principaux articles intéressant les collectivités et reviendra en détail sur certaines thématiques dans ses prochains numéros.
 

Différenciation

L’article 1er de la loi prévoit que «dans le respect du principe d’égalité, les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situations » entre elles (géographiques, économiques ou sociales).
 

Délégation de compétences

Le texte ouvre la possibilité de délégation de compétences entre collectivités et EPCI «pour la réalisation de projets structurants sur les territoires » et non sur l’ensemble d’une compétence. Un EPCI peut, avec l’accord unanime de ses communes membres, «déléguer à un département ou à une région tout ou partie d’une compétence qui lui a été transférée par ses communes membres ».
 

Compétences communes-EPCI

  • Compétences territorialisées. Une ou plusieurs communes pourront transférer tout ou partie d’une compétence facultative à leur intercommunalité (scolaire, petite enfance…) en application du principe de différenciation territoriale. L’AMF demandait cette souplesse.
     
  • Intérêt communautaire. L’exercice de la compétence voirie est soumis à la reconnaissance d’un intérêt communautaire ou métropolitain, dans les communautés urbaines et les métropoles, permettant de distinguer la voirie relevant de l’EPCI de celle relevant des communes. Ces intercommunalités pourront déléguer l’entretien de leur voirie aux communes.
     
  • Tourisme. La compétence tourisme peut être restituée aux communes touristiques des communautés d’agglomération et aux stations classées des communautés urbaines et des métropoles.
     
  • Eau-assainissement. La loi maintient le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (CC) d’ici à 2026. Mais les syndicats compétents dans ces domaines, inclus en totalité dans le périmètre d’une CC exerçant à titre obligatoire les compétences eau et assainissement à partir du 1er janvier 2026, «sont maintenus par la voie de la délégation », après 2026, sauf si l’EPCI délibère contre ce maintien.
     
  • Social. Les métropoles pourront se doter de centres intercommunaux d’action sociale (CIAS).
     

Transfert du réseau routier et autoroutier de l’État

La loi permet le transfert des autoroutes, routes nationales ou des portions de voies non concédées (dont la liste sera fixée par décret) aux départements et aux métropoles concernés et volontaires, à compter du 1er janvier 2024. Elles pourront aussi être «mises à la disposition des régions volontaires, à titre expérimental » pendant huit ans. Le gouvernement s’est engagé à publier le décret dans les deux mois suivants la promulgation de la loi. Les collectivités auront six mois à compter de la parution du décret pour délibérer sur les routes qu’elles souhaitent se voir transférer. L’État fera connaître sa décision dans les trois mois suivant l’expiration du délai de six mois.
 

Logement

  • Logement social. Comme le souhaitait l’AMF, la date butoir de 2025 imposée par la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) aux communes pour remplir leurs obligations de production de logements sociaux a été supprimée.

    Mais les obligations de taux minimal de logements sociaux dans chaque commune concernée sont maintenues. Un nouveau dispositif de contractualisation pourra être conclu entre les maires, l’EPCI et les préfets : le «contrat de mixité sociale » (CMS) qui s’écoulera au maximum sur trois périodes, triennales consécutives, permettra d’adapter les objectifs de rattrapage de construction de logements sociaux.

    Au sein d’un EPCI, les communes en déficit pourront se répartir entre elles une partie des objectifs de rattrapage si un CMS intercommunal a été signé.

    La loi abaisse le seuil d’objectifs de réalisation de logements sociaux, pour la première période triennale, pour les communes nouvellement soumises aux dispositions de la loi SRU.
     
  • Habitat inclusif. Les départements deviennent chefs de file en matière d’habitat inclusif et d’adaptation du logement au vieillissement de la population. L’habitat inclusif sera désormais pris en compte par les plans locaux d’habitat (PLH). Toute personne en situation de handicap pourra saisir la commission «droit au logement opposable » (Dalo).  
     

Santé

La loi installe auprès du président du conseil d’administration de l’agence régionale de santé (ARS) – le préfet de région – quatre vice-présidents désignés, pour trois d’entre eux, parmi les représentants des collectivités territoriales. Les collectivités et leurs groupements «peuvent concourir volontairement au financement du programme d’investissement des établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés ». Les collectivités territoriales ou leurs EPCI gérant des centres de santé pourront recruter du personnel soignant.
 

RSA

Par délibération de leur organe délibérant prise le 30 juin 2022 au plus tard, les départements peuvent se porter candidats à l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA), qui débutera le 1er janvier 2023 et durera cinq ans. La liste des candidats retenus sera établie par décret.
 

Éducation

Les départements et les régions exerceront une autorité fonctionnelle sur les intendants des collèges et des lycées lorsqu’ils interviennent dans leurs champs de compétence (restauration scolaire, entretien et maintenance des infrastructures et équipements…).


Aménagement

  • Artificialisation. Comme le demandaient l’AMF et Régions de France, les conférences régionales des SCoT, chargées de décliner l’objectif de réduction par deux de la consommation effective d’espaces agricoles et forestiers à l’horizon 2031, en application de la loi «Climat et résilience » du 22 août 2021, disposent d’un délai supplémentaire de six mois pour ce faire (octobre 2022). Les régions devront intégrer ces propositions dans les Sraddet d’ici à février 2024 (et non août 2023).
     
  • Biens sans maître. La loi réduit de 30 ans à 10 ans le délai pour lancer une procédure d’acquisition de biens sans maître lorsque les biens se situent dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme (GOU), d’une opération de revitalisation de territoire (ORT), d’une zone de revitalisation rurale (ZRR) ou d’un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).
     
  • Alignement d’arbres. Les opérations d’abattage sont subordonnées au dépôt d’une déclaration préalable auprès du préfet de département (sauf en cas de danger imminent). Le préfet informe «sans délai » le maire de la commune où se situe l’alignement d’arbres concerné. Une étude sera menée préalablement à l’abattage d’arbres pour des raisons phytosanitaires. Des mesures de compensation seront prévues en cas d’abattage. Les sanctions sont renforcées en cas d’abattage illégal.
     
  • Chemins ruraux. Les communes peuvent les recenser et en confier la gestion à des associations. Ce recensement suspend la prescription trentennale au-delà de laquelle une appropriation de fait par les riverains devient irrévocable. Les communes pourront imposer des contributions aux responsables de dégradation de chemins.
     

Base de données nationale des adresses

La loi prévoit que les communes alimenteront une base nationale des adresses qui permettra notamment aux services de secours et aux opérateurs de télécommunication de géolocaliser chaque habitation. Des bases adresses locales (Bal) alimenteront la base adresses nationale (Ban).
 

Participation citoyenne locale

L’organisation d’une consultation sur toute affaire relevant de la décision d’une assemblée délibérante devra être signée par un dixième des électeurs d’une commune (et non plus par un cinquième) et par un vingtième des électeurs des autres collectivités territoriales (et non plus par un dixième).

 

Prévention des conflits d'intérêts
La loi «  3DS » précise les règles applicables aux élus locaux qui représentent leur collectivité ou groupement au sein d’organismes extérieurs (personne morale de droit public ou privé : une association, un établissement public, une société…) : ils ne seront plus considérés, du seul fait de cette désignation, comme ayant un intérêt «lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant la personne morale concernée ou lorsque l’organe décisionnel de la personne morale concernée se prononce sur une affaire intéressant la collectivité territoriale ou le groupement représenté ».

En revanche, les élus «ne participent pas aux décisions de la collectivité territoriale ou du groupement attribuant à la personne morale concernée un contrat de la commande publique, une garantie d’emprunt ou une aide (…), ni aux commissions d’appel d’offres ou à la commission prévue à l’article L. 1411-5 lorsque la personne morale concernée est candidate, ni aux délibérations portant sur leur désignation ou leur rémunération au sein de la personne morale concernée », précise l’article 217 de la loi.

« Cette obligation de déport ne concernera pas les délibérations relatives aux relations avec les groupements de collectivités, les caisses des écoles, les centres communaux d’action sociale. Elle ne s’appliquera pas non plus au vote du budget ou de dépenses obligatoires », précise le gouvernement dans un dossier sur la loi «3DS » diffusé le 10 février (www.cohesion-territoires.gouv.fr/actualites).

 

Implantation des éoliennes  

La loi prévoit que l’implantation d’éoliennes pourra être désormais réglementée dans le cadre des PLU et PLU-i. Les communes et les intercommunalités pourront modifier les plans locaux d’urbanisme pour y «délimiter les secteurs dans lesquels l’implantation [d’éoliennes] est soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant ».

La procédure de modification des PLU et PLU-i sera simplifiée mais nécessitera une enquête publique.

 

En savoir + :

Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (JO du 22/02).
• Lire la synthèse de l’ensemble des dispositions et Maire info du 22 février 2022.

 

Xavier Brivet
n°399 - MARS 2022