« Il ne faut pas hésiter à prévenir les enfants car ils peuvent demander une mesure de protection (qui n’est pas une restriction de liberté pour le parent) auprès de la justice. Et puis un maire peut envoyer un travailleur social, quelqu’un du CCAS par exemple, pour montrer à ces mouvements, dont le point fort est la présence auprès des personnes cibles, que la commune et les familles sont là aussi ! »
Autre cible de choix des mouvements sectaires : les enfants via l’entrisme à l’école, l’instruction à domicile, les écoles hors contrat, le soutien scolaire, les activités périscolaires. Les possibilités d’intervention pour un maire sont certes limitées. Par exemple, pour l’instruction à domicile, «le contrôle des maires ne peut s’effectuer que sur les conditions matérielles dans lesquelles l’enfant reçoit l’instruction, et pas sur le fond de l’enseignement [NDLR : qui est du ressort de l’Éducation nationale]. C’est chronophage, cela demande des ressources humaines », rappelle l’un d’entre eux. Mais c’est à cette occasion que «le maire ou les services de la mairie entrent dans les familles et peuvent prévenir de la croissance des phénomènes sectaires », défend la Miviludes. Les maires peuvent aussi être alertés et s’interroger lorsque des parents demandent un régime particulier pour leur enfant, s’approchant de la radicalité alimentaire.
La santé, les médecines douces, le développement personnel, le bien-être sont aussi des domaines de prédilection des mouvements sectaires. De nouvelles techniques dites thérapeutiques et destinées à évacuer divers maux fourmillent. Si elles ne sont pas directement liées à des phénomènes sectaires, elles ne sont pas non plus encadrées. Le terme de «thérapeute » n’est par exemple soumis à aucune autorisation. Aussi, tout le monde peut revendiquer ce titre et les annuaires de thérapeutes sont légion sur internet.
Le flou juridique et le développement du secteur du bien-être concourent à fournir un terrain favorable à l’implantation de groupes sectaires. Ceux-ci investissent les salons et les événements spécialisés dans le bien-être, le zen, le bio, etc. La Miviludes alerte les maires, notamment ceux des communes éloignées de services médicaux de base. «Vous pouvez avoir une demande d’installation d’un thérapeute quelconque dans une maison de santé financée par la mairie. Mais mieux vaut n’y accepter que des vrais professionnels de santé de façon à bien les distinguer des non professionnels. Il ne doit pas y avoir de confusion possible entre les praticiens et les autres pour que les usagers puissent faire un choix éclairé en fonction d’une information objective », conseille la Mission.
Il est en effet aisé de confondre par exemple un kinésithérapeute avec un kinésiologue (qui travaille sur la gestion du stress, la confiance en soi), surtout quand les deux professionnels ont une plaque à l’entrée d’un même cabinet. La Miviludes a par exemple découvert, en banlieue parisienne, une maison de santé où exerçaient un chirurgien spécialisé dans les anneaux gastriques et une thérapeute, ancienne coiffeuse, qui se disait spécialisée dans l’accompagnement psychologique…
« Les porteurs de projet pensent rentabilité, mais se renseigner auprès de l’agence régionale de santé ou d’associations comme la Miviludes » peut éviter les mauvaises surprises, préconise la mission interministérielle.
Les mouvements sectaires recherchent la caution municipale. Dans les maisons de santé mais aussi en apparaissant par exemple dans la revue de la commune, sur la liste des associations recensées au niveau communal, etc. Une manière pour eux de paraître plus respectables ou légitimes auprès de leur cible.
Dans les Vosges, un maire a fait un signalement fin 2020 après avoir reçu une lettre de la part d’un membre d’un mouvement sectaire mondialement connu. «Je me suis rendu compte qu’une centaine d’autres maires avait reçu la même. Mais il suffit d’un seul qui accepte le rendez-vous pour que le groupe puisse se réclamer de la rencontre avec l’élu », en frissonne encore l’édile.
Autre piège : la location de salle. Il n’est pas simple de savoir à qui une mairie a affaire. Il est arrivé que la Miviludes alerte par exemple directement un maire qui louait un local à un couple sans savoir que celui-ci pratiquait finalement des séances payantes prétendant guérir des enfants autistes. Sans refuser ouvertement de louer, il est toujours possible d’invoquer un planning de location plein ou d’autres arguments détournés.
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