L'actu
20/01/2022
AMF Décentralisation Finances Parlement

David Lisnard défend la nécessité d'une «grande loi sur les libertés locales »

Devant les députés, le 20 janvier, le président de l'AMF a déploré la recentralisation en cours des politiques publiques. A quelques jours de la commission mixte paritaire sur le projet de loi « 3DS » (27 janvier), il a appelé l'Etat et les parlementaires à défendre « la formidable énergie créatrice qu'est la décentralisation ».

 

Auditionné, le 20 janvier, par la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, à quelques jours de la commission mixte paritaire sur le projet de loi «3DS », le 27 janvier, le président de l’AMF a indiqué qu’il «espère que ce texte aboutira » tout en jugeant que «ce n’est pas un grand texte de décentralisation. C’est une étape technique qui apporte certes des avancées. Mais dans ce texte, il y a tout ce qu’il n’y a pas », a-t-il regretté. Autrement dit, l’AMF attend toujours «une grande loi sur les libertés locales », a souligné David Lisnard en pointant tour à tour la nécessité de privilégier «le principe de subsidiarité », «la proximité qui crée la responsabilité », «l’adaptation des règles aux réalités locales », «une intercommunalité choisie et non subie en privilégiant la souplesse dans les transferts de compétences et la définition de l’intérêt communautaire ». Le président de l’AMF appelle de ses vœux une «gouvernance locale partagée avec l’Etat », notamment dans le domaine sanitaire : «dans les hôpitaux, il faut recréer des conseils d’administration présidés par les maires qui ont un rôle important de médiateurs entre les personnels soignants et les gestionnaires », a-t-il souhaité. 

« Recentralisation des politiques publiques »

Le renforcement de la décentralisation doit selon lui comporter plusieurs corollaires : une «vraie politique de déconcentration des services de l’Etat » privilégiant «l’échelon départemental », «une contractualisation respectueuse des collectivités » -David Lisnard a sévèrement critiqué les contrats de Cahors encadrant la dépense locale que le gouvernement n’a pas reconduit cette année-, le respect par l’Etat de l’autonomie des collectivités : «l’organisation des politiques publiques se fait aujourd’hui de manière descendante. L’Etat impose aux collectivités ses priorités à travers la <> des dotations d’investissement (ndlr : DSIL, DETR), a-t-il déploré, au mépris des projets locaux élaborés par les élus locaux qu’il faut préserver !. De même, la multiplication des appels à projets ou à manifestation d’intérêt lancés par les ministères traduit une volonté de recentralisation des politiques publiques, tout en excluant les petites communes qui ne peuvent y répondre faute de disposer des moyens d’ingénierie juridique et financière pour ce faire ».
Interrogé par les députés sur l’avenir de la fiscalité locale, le président de l’AMF a indiqué que «le Comité des finances locales fera des propositions en la matière ». «Il faut une fiscalité locale par strate de collectivités », a-t-il estimé, en précisant que «l’impôt de la commune doit être un impôt résidentiel ». Outre cette spécialisation fiscale par niveau de collectivités, «on n’échappera pas à l’attribution aux collectivités d’une fraction d’un impôt national », a-t-il indiqué. 

« L’AMF a une approche indépendante et loyale vis-à-vis de l’Etat »

L’audition de la Délégation a aussi permis à David Lisnard de clarifier ses positions vis-à-vis du travail des députés et des relations de l’AMF avec l’Etat. Sur le premier point, plusieurs députés se sont émus de ses propos qualifiant certains textes votés Parlement de «hors sol », tout en lui rappelant qu’ils étaient eux-mêmes d’anciens maires. «La remise en cause du travail parlementaire n’est pas une remise en cause de la représentation nationale, leur a répondu le président de l’AMF. Mais je maintiens que certains textes votés sont <> et remettent sévèrement en cause les collectivités et la décentralisation ». Il a cité une nouvelle fois les dispositions relatives au contrats d’encadrement de la dépense locale «que le Parlement n’aurait pas dû cautionner », certaines dispositions de la récente loi «climat et résilience » qui «ne sont pas adaptées aux réalités locales » et la loi Egalim de 2018 «qui imposent des obligations aux cantines très difficiles à mettre en œuvre ». David Lisnard a saisi l’occasion pour rappeler aux députés la création, au sein de l’AMF, d’un «comité législatif » qui «réunira élus et parlementaires pour travailler à l’élaboration des textes intéressant les collectivités et à leur modalités d’application ».
Sur le second point –les relation de l’AMF avec l’Etat-, le maire de Cannes (06) a souligné que «l’AMF a une approche indépendante et partenariale » [avec l’Etat]. Nous privilégions la loyauté vis-à-vis de l’Exécutif mais ceci a un corollaire : le respect mutuel ». «Les réactions de l’AMF sont proportionnelles aux volontés de recentralisation ». Le président de l’AMF a exhorté l’Etat et les parlementaires à défendre «la formidable énergie créatrice qu’est la décentralisation », en estimant que «les mairies sont les PME de la République ». «Nous avons besoin d’un réseau d’élus locaux, d’un pouvoir local, l’a assuré Jean-René Cazeneuve, président de la Délégation de l’Assemblée nationale. Nous porterons ces sujets durant la campagne électorale». 
 

Xavier Brivet
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