Si les fonctions de maire délégué peuvent être cumulées avec celle de maire d’une commune nouvelle (sans toutefois cumuler les indemnités), ces deux mandats sont complémentaires. «La distinction entre les deux mandats est importante, souligne Fanny Lacroix, maire de la commune nouvelle de Châtel-en-Trièves (38). Le rôle du maire délégué, en contact direct avec les habitants, est de faire remonter leur parole au maire de la commune nouvelle. » La jeune élue cumule trois casquettes : celle de mère de famille, de fonctionnaire territoriale et de maire de sa commune nouvelle. Selon elle, «le rôle du maire est plutôt de se placer dans une dimension stratégique tandis que les maires délégués sont là pour incarner l’identité historique du territoire ». Dans sa commune nouvelle, fruit du mariage entre deux communes rurales regroupant aujourd’hui quelque 500 habitants, «le maintien des maires délégués a permis de respecter le souhait des habitants de conserver l’identité forte des deux villages historiques et de garder la proximité. Les maires délégués ont pour mission d’animer ce réseau de proximité avec les habitants et ils jouent ainsi le rôle de «thermomètres de la population » », poursuit Fanny Lacroix pour qui «la création d’une commune nouvelle nécessite de véritablement tenir compte du point de vue des habitants, avec la plus grande concertation possible ».
« Pour moi, un maire délégué, c’est avant tout un négociateur de proximité », considère, pour sa part, Nadège Moreau, maire déléguée de La Pommeraye (49). Une mission qui nécessite beaucoup de temps. L’élue, qui confie consacrer entre 40 et 50 heures par semaine à son mandat, a d’ailleurs choisi de quitter son activité professionnelle pour se consacrer à sa commune déléguée (4 000 habitants). Dans sa commune nouvelle de Mauges-sur-Loire (18 284 habitants), toutes les mairies des communes historiques et les maires délégués ont été maintenus. La mairie déléguée de La Pommeraye est ouverte tous les jours, du lundi matin au samedi midi, où Nadège Moreau reçoit quotidiennement les habitants.
Mais la population semble encore avoir parfois du mal à comprendre qui fait exactement quoi entre le maire de la commune nouvelle et les maires délégués. «Les habitants pensent que je dispose de beaucoup de pouvoir, ce qui n’est pas le cas. Quand ils viennent me voir pour des projets de permis de construire par exemple, je dois les réorienter vers l’adjoint référent chargé de l’urbanisme. Les habitants ont parfois du mal à comprendre qu’un maire délégué n’ait pas réponse à tout et qu’il ne gère pas toutes les thématiques », témoigne l’élue. «Avec la mise en place des maires délégués, je pensais que je serai peu interpelée en tant que maire de la commune nouvelle, mais tel n’est pas forcément le cas, constate Fanny Lacroix. Car si les habitants vont voir les maires délégués dans un premier temps, c’est bien moi qu’ils viennent solliciter pour des sujets plus particuliers. »
Les maires délégués se considèrent aujourd’hui comme des «généralistes de proximité ». Pour les anciens maires de communes historiques devenus maires de communes déléguées, la tâche est relativement aisée. Si elle avait un conseil à donner à ses homologues maires délégués, Nadège Moreau leur préconiserait ceci : «Intéressez-vous à tout, aussi bien à la voirie qu’au social. Car nous devons être polyvalents et adaptables pour pouvoir répondre au mieux aux demandes de premier niveau. » Très souvent sollicitée, elle dispose de peu de pouvoir. «Être maire délégué, c’est très énergivore, chronophage, mais cela reste passionnant ! », affirme-t-elle cependant.
« Nous devons être au point sur tous les sujets », confirme également Gilles Maloisel, maire délégué de Coulonces (14, lire ci-dessous). «Les textes évoluent très vite, par exemple sur les transferts de compétences aux EPCI, le commerce, l’habitat, l’organisation des mobilités, le plan alimentaire territorial ou encore l’urbanisme », souligne-t-il en estimant que les maires délégués ont aujourd’hui «un travail de communication et de pédagogie énorme à faire sur le terrain auprès des habitants ».
Pour l’heure, c’est donc bien sur le terrain que les maires délégués continuent à trouver leur place, au plus près des attentes de leurs administrés. Une tâche d’autant plus délicate que ces élus ont parfaitement conscience des limites de leurs pouvoirs. Sans compter que les conseils municipaux des communes nouvelles peuvent faire le choix à tout moment de maintenir ou, au contraire, de supprimer les mairies déléguées des communes historiques.
Cependant, beaucoup de maires de communes nouvelles semblent déjà convaincus de leur présence indispensable. À l’instar de Fanny Lacroix : «À l’horizon 2026, je compte bien maintenir l’existence des maires délégués. Cela permet de tenir la barre à plusieurs en impliquant le plus grand nombre, ce qui est toujours enrichissant. »