Alerte. «Le 8 janvier 2021, je reçois un courrier d’habitants : ils me parlent, dans leur quartier, de “harcèlement” et d’“intrusions”… Le foyer de tension serait une maison occupée par une mère et sa fille. Je reçois ces habitants, qui représentent sept-huit maisons, et me font part de leur détresse. Certains se terrent, d’autres veulent partir ; le climat est pesant et ce, depuis 2012. J’appelle la gendarmerie. La fille vient d’être condamnée pour agression. “Tous les ingrédients sont là pour un drame”, me dit l’officier. Au cœur du conflit, un problème de terrasse et de stationnement. En particulier, quand mère et fille sont dans leur salle de bains, un voisin peut les voir de sa terrasse. Pour elles, cette terrasse serait illégale. Je décide d’en avoir le cœur net et d’aller sur place avec mes agents de l’urbanisme. Je privilégie le droit, rien que le droit ! »
Médiatisation. «Le 27 avril, je me rends dans ce quartier. Double surprise : les gendarmes d’abord, ont voulu m’accompagner. Je leur dis que cela ira, ils restent en arrière. Par ailleurs, la mère et sa fille me présentent leurs arguments – et je suis touché ! Elles pourraient être dans leur bon droit. Je reste deux heures, elles sont charmantes, prolixes, perdues. Je sors de cette visite perplexe. Tout dépend maintenant de la légalité de la terrasse. Nous regardons en mairie. Quelques jours plus tard, j’envoie à la mère et à sa fille nos conclusions : hélas pour elles, la terrasse est légale. Elles sont mécontentes. Je pense que l’affaire va s’arrêter là, quand un article sur le conflit sort dans le journal local. Peu après, M6 m’appelle. Le cas les intéresse. Le journaliste estime que la caméra “libère la parole”, il veut me filmer en médiateur. J’hésite. »
Vente. «Le risque est que j’échoue et que les caméras électrisent la situation. On me dit “Vas-y”, “Tu peux le faire”. J’accepte. Je revois mère et fille, les voisins et rédige un accord qui prévoit, notamment, d’édifier un mur entre la fenêtre de salle de bain et la terrasse. Le 4 juillet, victoire ! En mairie, le protocole est signé par les protagonistes (pas au même moment). Mais début septembre, le reportage de M6 est diffusé. Et là, la France des réseaux sociaux s’en prend à la mère et sa fille. Elles sont effondrées. Depuis, elles ont contesté le permis de construire du mur, puis décidé de vendre. “Prenez un agent immobilier”, leur ai-je conseillé. Car elles font fuir les acheteurs par leur fébrilité. Nous avons en tout cas fait le maximum pour elles et nous n’irons pas plus loin. »