Les maires partagent unanimement la nécessité de répondre à l’urgence climatique, alors que les réunions au sommet, les chiffres et les rapports alarmants se multiplient. Cependant, devant le «maquis » d’outils parfois inadaptés aux spécificités de leur territoire, les élus peuvent se sentir démunis. Traduire les discours en actes : tel était donc l’objet du forum du 16 novembre dédié à la transition énergétique des territoires, co-présidé par Michaël Weber, maire de Woelfling-lès-Sarreguemines (Moselle), élu référent «énergies renouvelables de l’AMF », et Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), président des Éco maires et de l’association des maires et présidents d’intercommunalité de son département.
Président des Éco maires depuis 1989, association fédérant plus de 2 000 collectivités autour de la question du développement durable, Guy Geoffroy a d’emblée posé le cadre du débat. «Les enjeux de la transition énergétique sont à la fois globaux, et très locaux : ils sont déjà tangibles dans beaucoup de territoires ». Il s’agit donc, selon l’élu, de «faire accepter que les collectivités, déjà expertes, soient codécideurs de cette transition », en trouvant «le niveau pertinent » pour donner l’impulsion et assurer la mise en œuvre d’une telle politique.
« Chacun, à sa place, peut trouver des solutions, quelle que soit l’échelle de territoire, a souligné Michaël Weber. La question est de savoir comment ». Car les outils, y compris financiers, existent et se renforcent : le plan de relance a dédié 950 millions d’euros, via un fléchage de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), en faveur des politiques énergétiques locales. Des financements pourtant méconnus, notamment en zone rurale. C’est pourquoi la solidarité territoriale est essentielle, a relevé Michaël Weber. «Nous avons besoin d’un rapport de confiance entre territoires ruraux et territoires urbains ». D’autant que les collectivités peuvent se trouver en difficulté lorsque le «syndrome des injonctions paradoxales » les confronte à une «obligation de faire, sans avoir la capacité de faire », a rappelé Guy Geoffroy. Néanmoins, s’il faut atteindre la neutralité carbone en 2050, «il faut commencer aujourd’hui ». La révision des Scot est une occasion à saisir pour «fixer un cap, une vision politique », a souligné le maire de Combs-la-Ville
Boîte à outils
Les collectivités ont intérêt à poser un diagnostic de leur vulnérabilité et à réfléchir aux moyens d’action dont elles peuvent se saisir. «Avec la pandémie, la prise de conscience de l’urgence climatique s’est accrue et un phénomène d’exode urbain se produit. Un projet politique solide en faveur de la transition énergétique peut être un critère dans le choix des citadins souhaitant s’installer hors les villes », a relevé Guillaume Perrin, président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Agir en interne, décloisonner, instaurer un dialogue entre services, c’est ce qu’a mis en place Pierre Sanier, maire de Bû (1 200 hab., Eure-et-Loire) pour appuyer la transition. Tous les agents, au-delà des seuls services techniques, ont été mobilisés. En valorisant les compétences internes et en formant les agents, en sensibilisant les habitants, le maire est parvenu à faire 50 % d’économies sur son budget de fonctionnement grâce à la rénovation de son éclairage public, retrouvant ainsi des marges d’investissement pour sa commune.
Autre exemple de réussite locale : l’action conduite par le syndicat d’énergie de la Vendée, représenté au forum par son président, Laurent Favreau. Pionnier pour sa capacité à structurer l’ensemble des acteurs du territoire, le syndicat vendéen, créé il y a 70 ans, a lancé divers chantiers pour faire avancer la transition énergétique. La mise en place d’un réseau électrique intelligent expérimental – le démonstrateur « Smart Grid Vendée » – est la plus remarquable. Impliquant des ressources de consommation et de production multiples (bâtiments publics, éclairage public, usines d’eau potable, parcs éoliens, parcs photovoltaïques) à l’échelle du département, cette innovation montre bien que «si les grands n’agissent pas, les petits le font », a souligné Laurent Favreau.
Des intervenants issus d’organismes œuvrant pour le climat sont venus rappeler qu’il existe des outils méthodologiques à disposition des collectivités. Pour Morgane Nicol, directrice du programme «Territoires » à l’Institut économique pour le climat (I4CE), «agir pour la transition énergétique implique l’ensemble des acteurs et des services des collectivités ». À ce titre, l4CE a développé avec des partenaires, dont l’AMF, une méthode d’évaluation de l’impact climatique des budgets des collectivités.
Joëlle Colosio, directrice exécutive adjointe à l’action territoriale de l’Ademe, a mis en avant les programmes et appels à projet proposés aux collectivités, ainsi que l’aide au financement de postes de conseillers en matière d’éolien et de photovoltaïque. Elle a par ailleurs annoncé la publication, le 30 novembre, d'une étude prospective de l'Ademe « Transition(s) 2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat », qui présente quatre «visions », selon les choix pris pour accompagner la transition. «Nous sommes aujourd’hui dans un temps où
Guy Geoffroy a conclu les débats sur la condition essentielle d’une politique de transition efficace : la confiance entre l’État, les collectivités et les citoyens. Sans oublier le respect de la libre administration des collectivités, et de leur autonomie fiscale : «Les maires sont les mieux placés pour agir… et ils sont parfois dotés de discernement ! ».