Les maires ont aussi «pleinement la main » sur les «déterminants de la santé » : «l’alimentation au travers de la cantine ou des livraisons de repas, le logement de qualité, la qualité de l’air, de l’eau, la capacité à avoir une vie sociale… » énumère Frédéric Chéreau. Or, les principaux enjeux de la santé de demain, «ce sont des maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque) liées à ces déterminants, nos modes de vie et au vieillissement population ». Cela explique l’intérêt des élus dans une nouvelle approche dite de la «responsabilité populationnelle ». Un terme «barbare » concède Antoine Malone, directeur de projets à la Fédération hospitalière de France (FHF).
L’idée (importée du Québec) est que «tous les acteurs de santé partagent une part de responsabilité dans le maintien en santé d’une population, en réponse aux besoins exprimés ou non exprimés… ». Des expérimentations sont en cours, sous le pilotage de la FHF. À Quimper (Finistère), la maire a «rencontré une équipe qui y croit à 100% et ils m’ont transmis la conviction qu’il est nécessaire de travailler comme cela » témoigne Isabelle Assih. À Douai, Frédéric Chéreau n'est plus à convaincre. Si l’initiative est partie des hôpitaux, «la responsabilité populationnelle ne se fera pas sans les médecins de ville », ni sans les habitants, via les associations de quartier «qui ne sont pas des spécialistes de la santé mais ont une expertise que personne n’a ».
Informer, sensibiliser et accompagner, de plus en plus de communes s’investissent. Comme à la communauté d’agglomération du Beauvaisis (Oise). «La santé n’est pas une compétence toute seule. Mon rôle est d’égrener les problématiques de santé au sein de l’ensemble des compétences de l’agglomération » témoigne Charlotte Colignon, vice-présidente en charge de la santé. Une délégation santé et prévention a également été créée à Quimper, à l’échelle de la ville, avec un poste de chargé de mission en appui «car une délégation ne suffit pas, il faut les moyens techniques », une autre a été lancée à l’échelle de l’agglomération, «portée par un maire rural ».
Isabelle Assih se rend compte «qu’il y avait une forte attente du territoire, d’associations qui viennent nous voir avec un projet ». Autre exemple à Annecy, Karine Picchedda, y est adjointe en charge de la santé, du bien vivre et du bien vieillir. Sa délégation «change tout ». «On ne raisonne pas assez en matière de prévention or notre devoir d’élu est de faire de la prévention » rebondit Véronique Besse. C’est le but du contrat local de santé mentale en cours de réflexion (voir encadré ci-dessous).
Le contrat local de santé (CLS) est l'outil de référence, précieux pour la coordination locale. Les maires sont unanimes. Dans le Beauvaisis, il a «aidé à être opérationnel en cas de crise». Cécile Lambert, de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) au ministère de la santé, acquiesce : «les territoires dotés de ces contrats ont eu un peu plus d’agilité et de rapidité à mettre les acteurs autour de la table pour trouver des réponses très opérationnelles et concrètes à la crise ». La France en est encore inégalement couverte, mais la dynamique est certaine, avec «313 CLS actifs et 200 en préparation ».
Ces expériences se heurtent malgré tout à un problème de fond, les pénuries de praticiens. Les alertes, appels de détresse, coups de gueule ont été nombreux à mesure que le micro a circulé dans la salle. Un chiffre retient l’attention, «20% de personnes n’ont pas de médecin traitant ! C’est au niveau national de mener le travail ! » pose la maire de Quimper. La DGOS corrige le chiffre (le ramenant à 10% de personnes sans médecin traitant au niveau national). Mais la situation touche à d'autres spécialités, comme la santé mentale.
À Bailleul (Nord), Nicolas Lefebre, adjoint à la santé, livre «bataille depuis des mois » pour conserver l'établissement public de santé mentale des Flandres. «Il y a 10 à 20 % de postes de psychiatrie vacants au niveau national, chez nous, cela atteint 30 % ». Pour lui, ces situations n'auront de solution que si les élus sont «tous unis ». «Il va falloir à un moment donné que les lits de psychiatrie soient plus territorialisés et tous les élus doivent être parties prenantes ».
Comme le glisse Frédéric Chéreau en guise de conclusion : «On voit qu’il y a des solutions sur le plus long terme pour qu’on se soigne différemment et que les gens ne tombent pas malade, mais l’urgence est là ». Les maires ont l'intention que ce sujet de l'égalité d'accès aux soins soit au cœur de la campagne présidentielle. Ils promettent un livre blanc pour cela.
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