Car la situation des personnes déjà en difficulté s’est aggravée. Au moins la moitié de celles venant aux Restos disent avoir «perdu des ressources pendant cette crise ». «On sent à bas bruit la nouvelle pauvreté s’installer et sans l’État on n’y arrivera pas » s'inquiète Luc Carvounas, président de l’Union des CCAS et CIAS (UNCCAS) et maire d’Alfortville (94). Les élus ne demandent «pas forcément de l’argent », mais une meilleure reconnaissance de leur rôle de coordination des acteurs de la solidarité sur le terrain.
« Personne ne doit pouvoir rester au bord de la table ». L’expression revient à plusieurs reprises au sujet de l'aide alimentaire. Les maires ont choisi de mettre l'accent sur cette forme d'assistance, car chacun a vu la «montée en charge de la demande alimentaire pendant la Covid » exprime Nadine Grelet-Certenais, maire de la Flèche (Sarthe). Mais pour Luc Carvounas, «il ne faut plus parler d’aide alimentaire mais de politique publique d’alimentation ». Les expériences d’épiceries sociales et solidaires trouvent grâce aux yeux des élus, car l’on n’y vient pas chercher «que » des produits moins chers, mais une autre façon d’être accompagné, «plus globale » et moins «stigmatisante ». Et puis, on y parle aussi de plaisir de manger, de qualité des produits, de circuits courts…
Aux seuls Restos du cœur, 50% des personnes accueillies ont moins de 25 ans. «Plus effarant », souffle Patrice Douret, «40% sont mineurs ». L’alerte est reprise comme un mot d’ordre par la majorité des intervenants de la seconde table ronde : «La jeunesse est un sujet sur lequel il va falloir avoir des priorités plus fortes ces prochains mois ». «On doit trouver des nouvelles solutions, des réponses collectives adaptées à nos territoires » insiste Nadine Grelet-Certenais.
Sur sa commune, le mot d’ordre est «d’aller vers » les jeunes. «On a longtemps attendu que ces jeunes viennent vers nos dispositifs, et on s’est rendu compte que cela ne fonctionnait pas si on n’allait pas les chercher ». La municipalité s’appuie sur les maisons de quartiers et la mission locale, «acteur incontournable ». Elle croit dans les services civiques. «Les jeunes sont transformés, ils ont trouvé une aisance relationnelle, orale, je vous assure, c’est impressionnant » livre-t-elle à ses collègues. La directrice de l’agence nationale pour les services civiques, Béatrice Angrand, boit du petit lait car les collectivités sont encore sous-représentées parmi ceux qui accueillent des services civiques.
Jean-Philippe Acensi, le président de l’Agence pour l’éducation par le sport, est lui intarissable sur les vertus de l'insertion par le sport : «l’ouverture aux autres, le lien social, le défi permanent, le projet collectif et la maîtrise de soi ou l’apprentissage de la défaite et de la victoire ». L'agence porte le projet d’écoles d’inclusion par le sport. Le maire de Garges-lès-Gonesses (95), Benoît Jimenez n’est plus à convaincre. «J’y crois et je paye pour voir ! ».
Dans sa commune du Val d’Oise, la moitié de la population a moins de 30 ans. «Nous avons besoin des régions sur ces projets » appelle-t-il. La balle est saisie au bond par le maire de Chenôve (Côte d'Or), également à la tête de Ville et Banlieue, Thierry Falconnet, pour interpeller plus largement l’État «sur la question des finances publiques, de la capacité des maires à mener des politiques d’innovation ». «Faites-nous confiance ! ». «Il faut multiplier les leviers que les jeunes peuvent actionner pour trouver leur place, le revenu municipal étudiant comme celui de Chenôve est un levier, l’école par le sport est un levier, le service civique est un levier… ». Mais les communes ont besoin d’autres ressources que leur seule volonté pour les tenir.
Renouveler les solidarités en faveur des plus vulnérables et des jeunes