C’est pourquoi les maires ont intérêt à anticiper, gérer et analyser un accident par définition imprévu. Or, le temps de la préparation est parfois compté pour eux, comme l’a relaté Charlotte Goujon qui était maire de Petit-Quevilly (26 000 hab., Seine-Maritime) depuis trois mois lors de l’incendie de Lubrizol, le 26 septembre 2019. Elle découvre alors la difficulté d’obtenir des informations. La préfecture l’appelle pour lui demander des barrières, puis plus rien. La maire demande que la ville participe à la cellule de crise. Refusé. La préfecture annonce que les écoles de 12 communes doivent fermer, sans préciser quelles communes. Puis, selon une source, les écoles de Petit-Quevilly ne sont pas concernées, selon une autre elles le sont … Même cafouillage sur le confinement ou l’évacuation des habitants, alors que ceux-ci s’étaient réfugiés en pleine nuit sur un parking de supermarché. Et c’est par la presse que Charlotte Goujon apprend la tenue d’une réunion à laquelle elle s’invite d’elle-même pour exprimer son mécontentement.
Pourtant, d’après Pierre-Henry Brandet, délégué à l’information et à la communication du ministère de l’Intérieur, il est essentiel de communiquer, d’être rassurant, transparent, de se connaître entre acteurs «à froid, lors d’exercices. On n’invente pas les relations humaines quand la crise survient », a-t-il souligné. Alban Bruneau, maire de Gonfreville-l’Orcher (10 000 hab., Seine-Maritime) et président d’Amaris (Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs), a aussi souligné l’importance de «porter l’exigence de dialogue à un haut niveau ». Le général de corps d’armée Jean-Marc Descoux, commandant le commandement de la gendarmerie d’Outre-mer, a l’expérience de la tempête Irma à Saint-Martin. Dans une situation de catastrophe absolue, il a pu expérimenter l’intérêt d’intégrer la mairie dans le dispositif de la gendarmerie. «Les collectivités ont des moyens techniques et humains, une police municipale, la population se tourne vers elle. Placer un gradé dans la cellule de crise de la mairie fluidifie les échanges », a-t-il estimé.
Après l’accident, vient le temps de la remise en état. Et celle-ci peut-être longue. Il faut pallier la coupure des routes, la disparition des moyens de communication, la pénurie d’eau…. C’est ce que Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya (2 300 hab., Alpes-Maritimes), et Éric Ferrère, maire des Avirons (11 500 hab., La Réunion), ont vécu après des inondations en octobre 2020 pour le premier et un cyclone en 2007 pour le second.
Pour le colonel Jean-Michel Doose, conseiller aux affaires territoriales du groupement de gendarmerie des Alpes-Maritimes, il est essentiel de répondre au plus vite aux besoins essentiels. Ainsi, la gendarmerie aide les prestataires de réseaux à rétablir électricité et communications. Des hélicoptères apportent nourriture et secours aux habitants isolés. Ensuite vient le temps de la reconstruction. L’identification des besoins et la hiérarchisation des priorités sont essentiels. Les maires étant au cœur du dispositif, encore une fois, doivent s’y préparer aussi bien pour la prévention que pour la gestion pendant et après la crise, a insisté Stéphanie Bidault, directrice du Centre européen du risque inondation. Ainsi, à Breil-sur-Roya, la reconstruction des routes fait-elle appel à différentes techniques afin que plusieurs entreprises puissent intervenir en cas de nouvel événement.
Le plan communal de sauvegarde (PCS) est en principe l’outil opérationnel des 12 000 communes concernées par les risques, dont le nombre va augmenter car la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers élargit le champ des communes concernées (lire ci-dessous). «L’enjeu est de les rendre vraiment performant », a souligné François Giannoccaro, directeur de l’Institut des risques majeurs.
Jérémie Degrange ajoute la nécessité de disposer de schémas préétablis pour sortir de la crise et s’interdire d’improviser. Surtout, «il faut laisser les élus locaux prendre leurs responsabilités. Ce sont eux qui sont conscients des risques », a souligné Marie Larrue, maire de Lanton (7000 hab., Gironde). C’est pourquoi elle s’oppose au transfert à l’intercommunalité de la responsabilité du maire en matière de sauvegarde des populations.