L'actu
22/11/2021
Synthèse du 103e Congrès Santé Social

Grand âge: vieillir n'est (pourtant) pas une mauvaise nouvelle !

Les enjeux du vieillissement se posent à court terme, avec les crises : celle du Covid-19 a une nouvelle fois servit d'électrochoc, comme la canicule de 2003, en touchant les plus âgés. Sur le long terme : les maires ne sont pas maîtres à bord, mais doivent « mieux répondre à l'urgence du grand âge ». C'était le thème d'un forum du 103e congrès des Maires, le 16 novembre.

La crise liée au Covid-19 a surexposé les faiblesses du système. Sans que cela se traduise encore par des décisions de nature à y pallier. Et notamment cette grande loi du Grand âge, promise au début du quinquennat, reportée, et finalement enterrée cet été. N’en déplaise à la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, venue expliquer aux maires les mesures prises dans la prochaine loi de financements de la sécurité sociale, les maires sont déçus, résume Pierre Martin, maire de Chauvé (44), référent grand-âge de l’AMF : «Certes il y a eu le Ségur de la santé, il est prévu un tarif plancher harmonisé pour les services à domicile à 22 euros, un programme d’investissement dans les Ehpad. Ces mesures vont dans le bon sens mais elles ne sont pas à la hauteur ». Les maires attendent un cadre, un soutien. Car cela craque de partout. 

Première urgence : le personnel

Directeurs d'Ehpad, d’hôpitaux locaux, d’acteurs du domicile, «tous manquent de personnel, ne reçoivent plus de candidatures aux offres, enregistrent des démissions de personnels en cascade… ». Ici «c’est un service de soins de réadaptation qui a fermé cet été faute de personnel ; là un Ehpad qui doit fonctionner avec un effectif réduit faute d’avoir pu remplacer un agent, ou un service à domicile qui refuse des accompagnements de personnes âgées en sortie d’hospitalisation faute de personnel suffisant ». La directrice générale de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services personnes âgées (FNADEPA), Annabelle Vecques, a ainsi mentionné une récente étude menée par la Fédération selon laquelle 89% des Ehpad avait des difficultés de recrutement !

Certes, les personnels ont malgré tout «évité le pire » pendant la crise liée au Covid-19, les réseaux de solidarité ont montré leur richesse, et beaucoup de maires en ont témoigné lors de ce forum (voir encadré). Mais ils ont aussi interpelé : «Nous sommes les oubliés de la politique sociale » a déploré Pierre Lamarque, président de l’Union des CCAS des Landes. La formule déclenche les premiers applaudissements de la matinée. Elle provoque aussi l’énervement de la ministre. Elle raille (« évitons ce genre de tribune politicienne ») et contre-attaque, en rappelant que la récente revalorisation salariale concerne «la branche la plus importante de l’aide à domicile, celle des associations (type ADMR, UNA…), soit 60% de l’aide à domicile ». Si les agents de la fonction publique n’ont pas bénéficié de cette revalorisation de 13 à 15% de leur salaire, ils ont bénéficié d’une revalorisation de la catégorie C, renvoie-t-elle encore. Outre la rémunération et les temps partiels, les élus insistent sur la formation, qu’il faut renforcer. 

Deuxième urgence : intégrer le vieillissement 

« Le problème c’est que la société n’est pas encore convaincue de cette urgence (du grand âge) », estime Jérôme Guedj. Elle est pourtant «aussi importante que la transition écologique ou digitale » estime l’ancien président de conseil départemental, auteur du rapport «Déconfinés mais toujours isolés » (2020). Il insiste : «nous devons être fiers de l’allongement de l’espérance de vie, nous avons des personnes qui vont avoir 30 - 40 ans d’une vie dans laquelle se pose la question de leur utilité sociale autant que de leurs fragilités ». Les territoires ultramarins y sont peut-être déjà les plus sensibles, pour être les premiers et les plus amplement touchés par le vieillissement de leur population. La Martinique sera ainsi le territoire le plus âgé de France dès 2030, souligne Marie Garon adjointe au maire de Schoelcher. 

Changer de paradigme 

Le défi «c’est celui de l’adaptation de la société dès maintenant à l’explosion démographiques des 75-84 ans, plus que le défi de la grande dépendance dans dix ans » complète Luc Broussy, auteur d’un autre rapport «Nous vieillirons ensemble, 80 propositions pour un nouveau pacte entre générations » (mai 2021). Le curseur se déplace sur ceux qui «vont vouloir révolutionner la vieillesse comme ils ont révolutionné la société il y a trente ans ».

Cela oblige à «dé-médico-socialiser » la question du vieillissement. Et parce que l’on aborde alors une vision «plus holistique du vieillissement », qui englobe les questions de logement, de lien social, d’urbanisme, les maires reviennent «au premier rang ». Annabelle Vecques ajoute : «les Ehpad accompagnent 750 000 personnes. L’Ehpad de demain doit être en mesure de répondre à l’aspiration des personnes âgées de vivre à l’Ehpad comme elles vivent chez elles. Pour cela un travail est à mener sur l’architecture des bâtiments, sur les prestations proposées... L’EHPAD de demain doit aussi être placé en centre-ville. »

Ceux qui étaient présents au forum acquiescent. «Oui la question de la longévité est transversale dans les communes, et ne doit pas être du seul ressort du CCAS ou de l’adjoint aux Affaires sociales » pose Marie Garon. «Les gens doivent vivre et pas seulement être accompagnés à cause de leur dépendance. C’est notre devoir ». À la ministre, les maires envoient ce dernier message, «aidez ceux qui veulent faire ! ».

Le «bricolage fécond » des communes contre l’isolement
Les expériences de Saint-Genis-Laval dans le Rhône (conseil des aînés, portage de livres par la bibliothèque, café intergénérationnel), de Mérignac en Gironde (réseau MonaLisa dans tous les quartiers), Lavault-Sainte-Anne dans l’Allier (lotissement intergénérationnel) ou encore de Schoelcher (Schéma gérontologique communal) illustrent ce «bricolage fécond » des communes, vanté par Jérôme Guedj et Luc Broussy qui, de leur côté, accompagnent des collectivités sur la réflexion d’un «Agenda 21 de la longévité ». On doit apprendre à tisser du lien ! C’est le message de l’association des Petits frères des pauvres. Qui alerte, car on sait «que les situations d’isolement social accélèrent la perte d’autonomie », or l’association vient de révéler une forte progression de l’isolement social. 
  • Retrouvez la vidéo du débat

Mieux répondre à l'urgence du Grand âge

 

Emmanuelle Stroesser
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