Directeurs d'Ehpad, d’hôpitaux locaux, d’acteurs du domicile, «tous manquent de personnel, ne reçoivent plus de candidatures aux offres, enregistrent des démissions de personnels en cascade… ». Ici «c’est un service de soins de réadaptation qui a fermé cet été faute de personnel ; là un Ehpad qui doit fonctionner avec un effectif réduit faute d’avoir pu remplacer un agent, ou un service à domicile qui refuse des accompagnements de personnes âgées en sortie d’hospitalisation faute de personnel suffisant ». La directrice générale de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services personnes âgées (FNADEPA), Annabelle Vecques, a ainsi mentionné une récente étude menée par la Fédération selon laquelle 89% des Ehpad avait des difficultés de recrutement !
Certes, les personnels ont malgré tout «évité le pire » pendant la crise liée au Covid-19, les réseaux de solidarité ont montré leur richesse, et beaucoup de maires en ont témoigné lors de ce forum (voir encadré). Mais ils ont aussi interpelé : «Nous sommes les oubliés de la politique sociale » a déploré Pierre Lamarque, président de l’Union des CCAS des Landes. La formule déclenche les premiers applaudissements de la matinée. Elle provoque aussi l’énervement de la ministre. Elle raille (« évitons ce genre de tribune politicienne ») et contre-attaque, en rappelant que la récente revalorisation salariale concerne «la branche la plus importante de l’aide à domicile, celle des associations (type ADMR, UNA…), soit 60% de l’aide à domicile ». Si les agents de la fonction publique n’ont pas bénéficié de cette revalorisation de 13 à 15% de leur salaire, ils ont bénéficié d’une revalorisation de la catégorie C, renvoie-t-elle encore. Outre la rémunération et les temps partiels, les élus insistent sur la formation, qu’il faut renforcer.
« Le problème c’est que la société n’est pas encore convaincue de cette urgence (du grand âge) », estime Jérôme Guedj. Elle est pourtant «aussi importante que la transition écologique ou digitale » estime l’ancien président de conseil départemental, auteur du rapport «Déconfinés mais toujours isolés » (2020). Il insiste : «nous devons être fiers de l’allongement de l’espérance de vie, nous avons des personnes qui vont avoir 30 - 40 ans d’une vie dans laquelle se pose la question de leur utilité sociale autant que de leurs fragilités ». Les territoires ultramarins y sont peut-être déjà les plus sensibles, pour être les premiers et les plus amplement touchés par le vieillissement de leur population. La Martinique sera ainsi le territoire le plus âgé de France dès 2030, souligne Marie Garon adjointe au maire de Schoelcher.
Le défi «c’est celui de l’adaptation de la société dès maintenant à l’explosion démographiques des 75-84 ans, plus que le défi de la grande dépendance dans dix ans » complète Luc Broussy, auteur d’un autre rapport «Nous vieillirons ensemble, 80 propositions pour un nouveau pacte entre générations » (mai 2021). Le curseur se déplace sur ceux qui «vont vouloir révolutionner la vieillesse comme ils ont révolutionné la société il y a trente ans ».
Cela oblige à «dé-médico-socialiser » la question du vieillissement. Et parce que l’on aborde alors une vision «plus holistique du vieillissement », qui englobe les questions de logement, de lien social, d’urbanisme, les maires reviennent «au premier rang ». Annabelle Vecques ajoute : «les Ehpad accompagnent 750 000 personnes. L’Ehpad de demain doit être en mesure de répondre à l’aspiration des personnes âgées de vivre à l’Ehpad comme elles vivent chez elles. Pour cela un travail est à mener sur l’architecture des bâtiments, sur les prestations proposées... L’EHPAD de demain doit aussi être placé en centre-ville. »
Ceux qui étaient présents au forum acquiescent. «Oui la question de la longévité est transversale dans les communes, et ne doit pas être du seul ressort du CCAS ou de l’adjoint aux Affaires sociales » pose Marie Garon. «Les gens doivent vivre et pas seulement être accompagnés à cause de leur dépendance. C’est notre devoir ». À la ministre, les maires envoient ce dernier message, «aidez ceux qui veulent faire ! ».
Mieux répondre à l'urgence du Grand âge