Éviction. «Tout commence après le confinement. À partir de mai 2020, notre boulangerie bat de l’aile. C’est un coup dur. Un village sans boulangerie, ce sont de nouvelles habitudes pour les clients, qui s’approvisionnent ailleurs. C’est aussi la fragilisation de nos autres commerces : une boucherie, une épicerie et un restaurant. Je ne suis pas surpris. Avant de devenir maire, j’avais fait mon enquête. Le boulanger ne m’avait pas paru sérieux. Après mon élection, en 2020, j’ai continué d’en apprendre de belles sur lui, en découvrant qu’il s’agissait d’un escroc qui ne payait pas ses loyers ni sa farine, et multipliait les commerces illicites. En juin, je lance avec le concours d’un avocat une procédure d’éviction car les murs de ce commerce appartiennent à la commune. En août, la boulangerie ferme totalement. »
Chance. «Je cherche aussi un repreneur, toujours à la location. Je suis d’autant plus motivé que le précédent boulanger n’est resté que deux ans. J’aimerais stabiliser les choses. Nous voyons du monde, je pars à la découverte de possibles candidats et mange pas mal de pain pour tester les produits ! Je mets mes réseaux en alerte – en tant qu’ancien président de la chambre d’agriculture, je suis pourvu de contacts. À partir de septembre 2020, nous examinons une demi-douzaine de candidatures, certaines de personnes peu sérieuses, d’autres – de jeunes – qui ne seront pas, hélas, suivis par les banques. Nous avons finalement de la chance : le boulanger d’un village voisin veut ouvrir une autre affaire, pas simplement un dépôt de pain. Il va investir 120 000 euros, notamment dans un fournil, trouver sa clientèle, etc. Depuis la réouverture cet été, tout se passe bien. »
Lenteurs. «Le plus dur fut de récupérer les locaux, boutique et logement. Car tant que la société du boulanger véreux n’était pas dissoute, même s’il ne réglait pas les loyers, nous ne pouvions rien faire. Un jour, il a essayé de vendre, via Leboncoin, des matériels dont il n’avait pas remboursé les emprunts. La gendarmerie est intervenue, j’étais en vacances : j’ai passé six heures au téléphone avec mon adjoint. Le tribunal a enfin prononcé la liquidation. Tout le conseil municipal a retroussé ses manches et déblayé, repeint et ré-agencé les lieux. À moindre coût, nous avons recréé une belle boulangerie, qui a accueilli le professionnel tant attendu. Je suis soulagé aujourd’hui, mais cette saga nous a coûté 30 000 euros de frais, prêts non remboursés et loyers impayés. »